L’objectif de cette démarche est de contraindre l'État français à mettre le dispositif de mise à l’abri et d’évaluation des mineurs isolés en conformité avec les exigences posées par la Convention internationale des droits de l’enfant. Explications avec Corentin Bailleur, responsable du Plaidoyer à l’Unicef France.
Dans quel contexte juridique saisissez-vous le Conseil d’Etat ?
Corentin Bailleul : Cela fait plusieurs années que nous relevons d’importantes violations des droits des mineurs non accompagnés en France. Le 25 janvier dernier, le Comité des Nations Unies pour les droits de l’enfant a rendu une décision au titre de son mandat dans le cadre du 3ème protocole de la Convention des droits de l’enfant qui permet à chaque enfant s’estimant victime d’une violation de ses droits de le saisir directement. Cette décision a condamné la France pour avoir violé plusieurs dispositions de la Convention, dont la question du droit à l’identité, du droit à une protection spécifique et du droit à être préservé de traitements inhumains et dégradants.
Quelles mesures étaient alors demandées à la France par le Comité ?
Considérer ces jeunes comme des mineurs jusqu’à ce qu’une décision définitive sur la détermination de leur minorité intervienne, éviter de les laisser sans protection en leur garantissant l’accès à un représentant légal qualifié durant la procédure et, enfin, mieux prendre en compte les documents d’état civil qu’ils présentent, voire les accompagner dans la reconstitution de ces documents. La France avait 180 jours pour prendre ces mesures, ce qu’elle n’a pas fait. Nous sommes 7 organisations requérantes – les autres produisent des interventions volontaires – à avoir demandé l’abrogation du dispositif règlementaire relatif au premier accueil. Désormais nous contestons devant le Conseil d’état le refus implicite d’abroger ces dispositions. Et nous contestons par ailleurs le décret du 22 décembre 2023 - relatif à l’article 40 de la loi Taquet - qui réforme en partie la procédure d’évaluation.
Que peut faire le Conseil d’Etat ?
Il va évaluer la conventionnalité des dispositions existantes relatives au premier accueil, à la mise à l’abri et à l’évaluation des mineurs. Nous attendons de cette institution qu’elle se prononce pleinement sur le fait que les dispositions règlementaires et législatives françaises doivent être conformes à la Convention internationale des droits de l’enfant et dont les décisions doivent s’imposer à l’Etat français.
Quel devrait être le calendrier de votre démarche ?
Ça va être assez long. Il s’agit d’une procédure au fond, non pas en référé. Nous avions précédemment saisi le Conseil d’Etat avec une requête sommaire et nous venons de déposer, début mai, notre requête complémentaire. On peut attendre une décision d’ici la fin de l’année civile, voire début 2025. Dans l’intervalle, à l’Unicef, nous resterons très attentifs aux discussions en cours entre l’Etat et l’association des départements de France dans le cadre des groupes de travail qui ont été relancés par la ministre El Haïry, notamment celui qui concerne les MNA. Nous avons bien en tête aussi la commission d’enquête parlementaire sur l’aide sociale à l’enfance, ainsi que la mission d’information parlementaire sur les MNA qui devraient bientôt rendre leurs travaux.
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