Actualités sociales hebdomadaires : Que craigniez-vous avec la nouvelle composition du Cese ?
Marie-Aleth Grard : Face à la situation actuelle, nous ne pouvions pas imaginer que le gouvernement décide de réduire le nombre de représentants des plus pauvres dans la troisième Assemblée de la République. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi il a été décidé de rayer ATD quart monde, alors que nous y sommes depuis 1979. Le problème n’est pas tant que nous y siégeons depuis de nombreuses années, mais que nous avons produit des rapports ayant réellement fait bouger la lutte contre la pauvreté dans notre pays. Pour ne vous en citer que trois, il y a le rapport « Wresinski » datant de 1987. Celui-ci a donné lieu au RMI [revenu minimum d’insertion, ndlr], qui représente une grande avancée, car, pour la première fois, les personnes les plus démunies ont pu bénéficier d’un revenu minimum. En 1995, le rapport de Geneviève de Gaulle-Anthonioz, qu’elle a présenté à l’Assemblée nationale, a débouché sur la loi de lutte contre les exclusions de juillet 1998. Cette loi a ensuite permis d’instaurer la couverture maladie universelle, le droit au logement opposable…
Et enfin le rapport « Une école de la réussite pour tous », que j’ai commis en 2015. Il continue d’être très demandé au sein de l’Education nationale et il est le seul, à ce jour, à avoir été réalisé avec une réelle participation des personnes les plus pauvres, avec lesquelles les conseillers du Cese ont travaillé pendant trois réunions. D’autre part, ce rapport et celui de Joseph Wresinski sont les plus diffusés du Cese.
ASH : ATD quart monde ne dispose plus de siège mais fait tout de même partie du collectif Alerte, qui est, lui, nouvellement représenté au Cese. Pourquoi n’est-ce pas suffisant ?
M.-A. G. : Nous disposions de trois sièges lors du mandat précédent. Au regard de l’augmentation de la pauvreté depuis trois ans, et particulièrement depuis un an avec la crise sanitaire, la lutte contre la pauvreté ne peut pas se permettre de perdre un siège. Il est nécessaire d’avoir des représentants qui vont porter ces enjeux haut et fort : 15 % de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays, il faudrait donc au moins trois sièges sur 175 pour qu’ils soient représentés. Moins nous serons nombreux, moins nous pourrons faire comprendre combien il est important de réfléchir tous les sujets qui traversent notre société à partir de cette catégorie de la population.
ASH : Qu’attendez-vous désormais ?
M.-A. G. : Nous attendons du gouvernement qu’il change le décret de ce matin et qu’il montre sa volonté de lutter contre la pauvreté dans notre pays. Cette décision est pour nous le signe que la lutte contre la pauvreté et la grande pauvreté n’est pas une priorité pour le gouvernement. En septembre 2018, Emmanuel Macron expliquait vouloir éradiquer la grande pauvreté à l’horizon d’une génération. Nous constatons que nous sommes plutôt en train d’éradiquer la représentation des plus pauvres au Cese.