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Assistant social en Ehpad : une valeur ajoutée

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Crédit photo Phanie via AFP
Peu d’assistants de service social exercent en Ehpad. Et quand une direction les recrute, ils sont souvent embauchés à contre-emploi en raison d’une méconnaissance de leur rôle, cantonné la plupart du temps au seul accès aux droits administratifs et financiers. Pourtant, selon Joran Le Gall, président de l’Anas (Association nationale des assistants de service social), ces professionnels pourraient se voir confier d’autres missions, et constituer une interface non seulement entre les résidents et les équipes, mais aussi entre l’établissement et la société. Une manière de participer au mieux vieillir, à condition, avant tout, que le secteur redevienne attractif.

Actualités sociales hebdomadaires - Quelle est la place des assistants de service social en Ehpad ?

Joran Le Gall : Dans l’idéal, ils devraient être embauchés pour occuper un rôle important dans l’environnement social de l’établissement, pour améliorer notamment la relation entre les professionnels et les résidents… En plus d’organiser et préparer l’entrée du résident dans la structure en mettant en lien l’hôpital (quand c’est le cas), la famille et les partenaires extérieurs, les assistants sociaux pourraient aussi accompagner les personnes âgées dans leur fin de vie, leurs projets, leurs aspirations en Ehpad… Ils ont un rôle important à jouer. D’autant que les aides-soignants, les médecins coordonnateurs, les infirmières sont débordés et que ce n’est pas leur fonction. Les assistants sociaux pourraient aussi réaliser un travail auprès des équipes. Tout comme les psychologues, les ergothérapeutes ou les animateurs, ils ont la capacité de remettre en perspective leur accompagnement, leur métier. Si ces professionnels viennent en premier lieu pour les résidents, leurs interventions ont des effets bénéfiques sur les équipes. Ils pourraient permettre, par exemple, aux aides-soignantes de faire autre chose que du soin à la chaîne, de réinterroger le sens de leur travail et de réfléchir à d’autres pratiques, d’autres formes d’accompagnement.

Les assistants sociaux sont-ils prêts à cela ?

Nous avons une formation pluridisciplinaire, fondée notamment sur les approches psychosociales. Nous ne sommes donc pas des spécialistes, mais des « touche-à-tout », des équilibristes. Notre présence permettrait de réfléchir à des questions plus vastes telles que l’interculturalité, le genre, etc. Autant de thématiques qui sont souvent mises de côté dans les établissements médico-sociaux mais qui existent bel et bien. J’emploie volontairement le conditionnel car, dans les faits, les assistants de service social sont très peu présents en établissement. Et quand ils le sont, c’est à contre-emploi.

C’est-à-dire ?

Récemment, une collègue exerçant en Ehpad m’a expliqué que sa tâche consistait seulement à « tenir la caisse », autrement dit à gérer l’argent distribué pour la semaine aux résidents. Ce n’est pas notre travail. En France, l’assistant social est considéré comme le professionnel qui aide les personnes dans leurs démarches administratives pour bénéficier des prestations sociales, trouver un logement, obtenir des papiers, se réinsérer à la sortie de prison… Dès lors, quand il est embauché en Ehpad, la plupart du temps, il se voit confier la partie administrative de l’aide sociale à l’hébergement ou de l’allocation personnalisée à l’autonomie. Notre rôle est réduit au simple accès aux droits. Pourtant, notre mission est bien plus vaste : nous sommes avant tout présents pour tisser du lien.

Une fois recruté dans un Ehpad, est-il difficile de trouver sa place au sein d’une équipe ?

Il n’est jamais facile d’intégrer une équipe, mais la tâche se révèle encore plus compliquée dès lors qu’on ne travaille pas à temps plein dans une structure. Cette problématique n’est toutefois pas l’apanage des assistants de service social. Les psychologues, les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes ou les orthophonistes rencontrent les mêmes difficultés. Lorsqu’ils sont interrogés à ce sujet, les soignants en Ehpad répondent souvent que l’« on n’a pas besoin d’eux », que « cela fonctionnait avant eux » et que « cela fonctionnera après eux »… La raison tient, je pense, à la représentation qu’ont les équipes soignantes de leurs métiers et à leurs conditions de travail. J’exerce en hôpital psychiatrique et j’observe de plus en plus que soigner ne revient qu’à administrer des médicaments. Or « soigner » recouvre des réalités plus larges et nécessite dès lors l’intervention d’une équipe pluridisciplinaire, dont des assistants sociaux. Par ailleurs, si nous sommes embauchés à contre-emploi, c’est aussi parce que les directeurs n’ont pas conscience de notre valeur ajoutée. Pour eux, notre présence n’apparaît pas tellement nécessaire à partir du moment où la plupart des résidents sont déjà dépendants et placés sous curatelle ou sous tutelle. De plus, d’un point de vue financier, les dossiers en Ehpad sont stables. Rares sont les situations où les résidents entrent à titre payant et basculent à l’aide sociale après avoir épuisé toutes leurs ressources. Même dans ces cas-là, les directions ne font pas appel aux assistants de service social. Elles préfèrent se tourner vers le curateur.

Faudrait-il introduire dans la formation initiale un volet sur le travail en Ehpad ?

Plus globalement, il paraît évident et logique que les assistants de service social passent du temps dans les établissements médico-sociaux au cours de leur cursus (Ehpad comme instituts médico-éducatifs ou maisons d’accueil spécialisées). Cependant, ces dernières années, au moindre problème identifié, on ajoute des modules dans la formation, ce qui n’est pas indiqué. Le programme d’enseignement, sur trois ans, est déjà extrêmement dense. A trop ajouter de cours, il risque de devenir intenable. Il serait plus logique, selon moi, de former les directeurs aux bonnes pratiques, aux bonnes relations avec les assistants sociaux. Même si j’imagine que leur propre cursus n’est également pas de tout repos. Au-delà d’un enseignement spécifique, des rencontres, des discussions, des partages d’expérience me semblent appropriés. Il n’y a pas d’un côté ceux qui ont raison et de l’autre ceux qui ont tort. Il faut créer ensemble le poste, réfléchir aux missions à donner. On demande toujours aux salariés d’être flexibles mais il serait également bon que les directions acceptent une certaine souplesse, qu’elles fassent preuve d’ouverture et de compréhension. Chacun doit sortir de son périmètre, de sa zone de confort.

Aujourd’hui, on parle beaucoup de co-construction des actions dans le secteur…

Vouloir développer l’interconnaissance mutuelle et pouvoir prendre le temps avec les professionnels, comprendre ce que chacun fait sont des pistes intéressantes. Qu’une assistante sociale participe à l’animation et vice-versa afin que chacun prenne la mesure du travail de l’autre ne peut être que bénéfique. Mais la question est très politique. Si des directeurs ont certainement cette ambition, paradoxalement, je doute qu’ils en aient les moyens. Actuellement, il ne faut pas le nier, les Ehpad vont mal. Il n’est pas très valorisant ni très valorisé de travailler dans ces structures en ce moment. Dans le livre-enquête Les fossoyeurs, le groupe Orpea est mis au ban, mais la maltraitance et les mauvaises conditions de travail sont présentes partout, aussi bien dans les Ehpad publics qu’associatifs. Il ne s’agit pas de se voiler la face.

La présence d’assistants sociaux dans les Ehpad n’est pas obligatoire, devrait-elle le devenir ?

Oui, à condition d’exercer une mission qui a du sens. S’il s’agit seulement de l’inscrire dans la loi sans aucun contrôle, cela ne sert à rien. Il convient donc de définir précisément leur place : tant d’assistants sociaux pour tant de résidents, pour quel accompagnement… Si rien n’est réfléchi en amont, leur présence sera vaine. Il convient en outre de rendre le secteur plus attractif. Car si les aides-soignantes continuent d’exercer dans les conditions de travail actuelles, elles n’auront jamais le temps de faire équipe avec les assistants sociaux. Cela me semble utopique tant les équipes sont en souffrance.

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