En juin dernier, le Groupe national des établissements publics sociaux et médico-sociaux (Gepso) avait créé un « réseau » de personnes accompagnées pour mieux faire entendre leur voix(1). Cette fois, l’association, qui rassemble plus de 700 structures, lance « Les mercredi des bonnes pratiques »: un webinaire pour le moment trimestriel pour favoriser le partage d’expériences en matière de participation des usagers. Un format: une réunion d’une heure, en début de matinée – café et croissants en option, visio oblige –, axée autour des témoignages d’un professionnel et d’un usager.
Exemple, fin 2022, avec le premier webinaire du genre. Derrière l’un des écrans, est invitée à s’exprimer Anne-Sophie Marie, directrice d’Adoseine, un service de l’Institut départemental de l’enfance, de la famille et du handicap pour l’insertion (Idefhi), en Seine-Maritime. Elle relate une journée professionnelle organisée il y a quelques mois, en présence – pour la première fois – de personnes accompagnées. « On a entendu des paroles très fortes de jeunes qui commettent des passages à l’acte parce qu’ils ne sont pas entendus. L’un d’entre eux a volé une voiture pour être orienté vers un appartement, un autre tapait un éducateur, forme de couperet pour qu’on soit à l’écoute, ou, à l’inverse, un troisième nous a dit ne pas avoir droit à un contrat jeune majeur parce qu’il ne faisait pas de bruit », explique la directrice, qui assume de s’exposer aux critiques. « Aucun professionnel n’est sorti indemne de cette journée. Pour certains, elle a fait émerger cette question: “Comment se remettre en cause?” Pour d’autres, elle a été vécue comme une mauvaise idée: “On ne savait pas ce qu’on pouvait dire ou pas devant les jeunes”, m’ont confié certains. On oublie parfois qu’un jeune a le droit d’accéder à ce qu’on écrit et dit sur lui. On doit donc respecter sa dignité au quotidien. »
Poil à gratter
Exercice de transparence, la participation des usagers expose nécessairement à la critique. « Les mercredis des bonnes pratiques » n’échappent pas à la règle. Deuxième invitée au webinaire, Jade, 16 ans, accueillie au centre départemental de l’enfance de la Moselle, s’exprime sans fard. « On a le sentiment de ne pas être assez écoutés. Sur mon groupe, des jeunes font le “sbeul” (le “bazar”) pour se faire remarquer, parce qu’on ne les écoute pas assez. » Elue au conseil de la vie sociale (CVS) des enfants, elle dispose d’une voix délibérative au conseil d’administration de l’établissement. Le CVS des enfants, créé en 2022, a-t-il changé les choses? « Non, rétorque-t-elle. On est écoutés, mais rien ne bouge. »
A ses côtés, Claire Hugenschmitt, la directrice de l’institution, qui anime par ailleurs le webinaire en tant que copilote de la commission « usagers et citoyenneté » du Gepso, opine: « On est long à enclencher des changements, notamment lorsqu’on est interpellés sur des travaux qui nécessitent d’être inscrits au budget de l’année suivante. C’est frustrant de ne pas pouvoir répondre rapidement à des demandes légitimes. Il y a du poil à gratter, ça ne fait pas plaisir et ce n’est pas confortable pour la directrice. Mais grâce à cette participation, témoignage de la transparence de l’établissement, on avance. Je ne me verrais pas faire marche arrière. » Anne-Sophie Marie partage cet avis: « Nous sommes de gros établissements, il n’est pas toujours facile de changer les choses rapidement. Mais on prend en compte la parole et les changements viendrons pour ceux qui suivent. »
Prochain webinaire le 1er mars, sur le champ du handicap cette fois-ci.
(1) Voir ASH n° 3271 du 26-08-22, p. 36.