Cuisiner son plat favori, partager un repas chaud en plein hiver, préparer une tarte pour le goûter… Ces petits plaisirs quotidiens, difficile, voire impossible, d’y accéder pour les personnes sans domicile fixe. A Marseille, où la pauvreté, la crise sanitaire et l’habitat indigne allongent chaque jour la liste des personnes en hébergement d’urgence, Soliha Provence, l’association Le Bouillon de Noailles et Nexity Non Profit ont créé La Cuisine du 101. Situé dans le quartier de Saint-Mauront, dans le 3e arrondissement de la ville, ce tiers-lieu solidaire a ouvert ses portes en novembre dernier, grâce à un financement de la Dihal. Il offre un espace de 70 m2, qui fait office de cuisine pour celles et ceux qui n’en ont pas. « Les utilisateurs peuvent concocter des plats avec leurs propres ingrédients, comme à la maison. Ils choisissent de les emporter, ou de s’attabler et les déguster sur place », présente Benjamin Mercier, l’un des six animateurs culinaires du Bouillon de Noailles. « Au-delà de la démarche culinaire, on peut aussi orienter les personnes sur des questions sociales, en général liées à l’accès au logement », poursuit le jeune homme. « Il m’est aussi arrivé de faire des demandes d’admission en crèche ou d’aider à rédiger un CV, précise Marika Rieth-Socha, art-thérapeuthe chez Soliha Provence. Quand les démarches nous dépassent, on renvoie vers d’autres collègues. »
Dans les mois à venir, un travailleur social devrait rejoindre l’équipe à temps partiel. Mais pour l’heure, ils sont sept employés, dont six du Bouillon de Noailles et une de Soliha. Sur place, une cuisine aménagée par l’entreprise d’insertion Bâtitruck est mise à disposition avec tous les ustensiles et équipements nécessaires. Un coin pour les enfants et une mezzanine avec canapés, tables et chaises pour se reposer, ou partager un moment convivial autour des plats cuisinés complètent le lieu. Pendant que les parents cuisinent, les enfants participent à des ateliers artistiques. « On voit beaucoup de mères célibataires avec des petits en bas âge. Pas suffisamment grands pour aller à l’école, les mamans les amènent avec elles », relève Marika Rieth-Socha.
Partenaires associatifs et locaux
C’est le cas d’Aurore Costa, venue avec son bébé de 4 mois. « Ma fille de 6 ans est en classe, j’en profite pour venir et lui préparer de bons plats », se réjouit celle qui vient pour la deuxième fois. Evacuée de son appartement pour insalubrité, la quadragénaire est hébergée depuis un mois dans un hôtel marseillais, dans l’attente d’un relogement. « A l’hôtel, la cuisine n’est ouverte que trois heures par jour, de midi à 15 heures. Si on travaille la journée, on est obligés de réchauffer une soupe toute faite ou un plat surgelé, au micro-ondes, regrette-t-elle. Le fait que la Cuisine du 101 existe, ça fait vraiment du bien. »
Pour l’heure, les usagers viennent avec leurs propres ingrédients. « Ils prennent plaisir à ne pas dépendre de ce qu’on leur distribue, à choisir eux-mêmes ce qu’ils veulent préparer », observe Benjamin Mercier. Toutefois, l’association est en train de nouer des partenariats avec les associations locales pour récupérer des denrées et les mettre à disposition. « Ainsi, ceux qui ne peuvent pas faire leurs courses pourront bénéficier du lieu », souligne-t-il.
Le tiers-lieu est ouvert de 11 h à 21 h, du lundi au samedi, et peut accueillir jusqu’à huit personnes en cuisine, et entre 15 et 20 personnes pour manger. « Les personnes sont orientées par Sara Logisol [association marseillaise qui aide les personnes en grande précarité] ou le Samu social, mais le bouche-à-oreille fonctionne bien, constate l’animateur culinaire. Il y a déjà quelques usagers réguliers. »
