En quoi le management peut-il répondre aux problèmes d’attractivité ?
La rémunération n’est pas la seule composante de l’attractivité. La qualité de l’emploi, les conditions de travail, le lien social, le sens y participent tout autant. Ce qui a trait à l’organisation du travail et au management contribue à améliorer le quotidien de nos professionnels. Et c’est ce pari, auquel nous croyons et qui ressort dans beaucoup d’études, que nous souhaitons gagner. Notre projet vise ainsi à favoriser l’émergence et le développement d’améliorations managériales, à acculturer le réseau et à mutualiser les expériences pour aider nos structures dans la mise en place de ces évolutions. Dans ce cadre, nous avons d’abord réalisé un état des lieux des initiatives du réseau. Un appel à candidatures a été lancé fin 2021-début 2022, et 57 projets sont remontés. Le comité de sélection, chargé d’étudier les dossiers, a retenu 16 structures. Lesquelles ont fait l’objet d’une investigation, réalisée par un cabinet indépendant, avec une méthode d’interviews collectives et individuelles pour recueillir la vision des différents intervenants (représentants du personnel, gouvernance…).
Quels critères ont guidé cette sélection ?
Nous nous sommes fixé trois objectifs. D’abord, les initiatives devaient nécessairement concerner une transformation de l’organisation ou du management de la structure, et non pas de l’offre de services. Ensuite, elles devaient rendre compte de la diversité du réseau, constitué de petites comme de grosses associations. La transformation ne doit pas être possible uniquement pour les plus importantes. Il n’y a pas qu’une réponse. Nous avons donc évité toute approche par modèle pour observer et s’appuyer, de manière pragmatique, sur ce qui existe. Ensuite, nous avons souhaité présenter des initiatives inspirantes. Ce qui nécessite d’écarter les projets aux contextes trop spécifiques. Les autres structures doivent pouvoir se dire : « Moi aussi, je pourrais le faire. » Pour remplir ces objectifs, la sélection, drastique, s’est forgée sur la base de six critères : la nature de l’initiative, la maturité du projet, la taille de la structure, le type de services (Saad, Ssiad, Sias…), les personnels prioritairement concernés par la transformation. Et nous avons voulu rendre compte aussi de la localisation des structures sélectionnées, et faire en sorte qu’elles représentent les différentes régions du territoire.
Quels ingrédients de transformation avez-vous identifiés ?
A partir de ces 16 structures retenues, on a repéré 29 déterminants qui sont autant d’ingrédients à la transformation. Ils ont été structurés en quatre catégories : le contexte, les fondamentaux, les leviers et, enfin, les méthodes, outils et moyens. Cette méthodologie nous a permis d’analyser chaque terrain à partir d’éléments communs.
- Le « contexte » est l’un des points importants. On a pu observer que toutes les transformations sont soutenues par le conseil d’administration et la direction. Lorsque les deux sont alignés, cela garantit un meilleur portage des projets. La gouvernance peut être à l’initiative – cela suppose de trouver les bonnes personnes –, comme la direction qui, généralement, privilégie au modèle pyramidal une organisation plus horizontale. On relève aussi l’importance d’associer au projet toutes les parties prenantes, les instances représentatives du personnel ou les partenaires extérieurs.
- Les « fondamentaux », ensuite, sont essentiels. Il s’agit de l’application du principe de subsidiarité : la responsabilité de l’action revient à ceux qui font. Avec l’idée d’être toujours à la recherche d’autonomie et d’élargissement des responsabilités. La quasi-totalité des innovations développent le travail collectif. C’est un enjeu important qui permet, dans notre secteur, de rompre l’isolement dont souffrent nos professionnels. Améliorer la qualité de service, c’est d’abord renforcer la coordination des parcours entre intervenants, avoir une approche réflexive sur le travail, être dans une logique d’organisation apprenante et développer les échanges de pratiques entre professionnels. C’est par l’échange entre pairs que l’on développe ses compétences.
- Les « leviers » de la transformation peuvent prendre différentes formes. Soit on crée des temps pour échanger sur les pratiques, entre aides à domicile – même s’il peut y avoir des responsables de secteur –, animés ou pas par des fonctions support. Soit on agit directement sur l’organisation du travail et de l’équipe, à travers, par exemple, un meilleur accompagnement des parcours professionnels des salariés, en accentuant les efforts de formation et en reconnaissant les compétences mobilisées sur le terrain. Cela suppose une nouvelle logique d’évaluation des compétences et un accompagnement qui permet au salarié d’évoluer dans sa carrière. Pour les personnes que l’on recrute, l’alternance est un outil à développer.
- Enfin, les « méthodes, outils et moyens » consistent à voir comment s’y sont pris les structures pour réussir la transformation. On observe l’importance de l’information et de la communication auprès des salariés, les pratiques en termes de conduite de changement, de pilotage, d’évaluation et de suivi des projets. Quels sont les outils et ressources développés pour évaluer ces impacts en interne, voire en externe.
De quelle manière les 16 structures se sont-elles transformées ?
On ne parle pas de modèles, mais de chemins de transformation. Parmi lesquels, d’abord, l’optimisation du process de travail : organiser par exemple la semaine de travail autour de quatre jours. Ces transformations créent souvent de nouvelles fonctions, comme celles de responsable de secteur volant ou de coordinateur de domicile ou de proximité. Ces voies d’innovation concernent aussi le collectif : les échanges sur le travail, autour des pratiques professionnelles. On a pu observer par ailleurs que la transformation se faisait au fil de l’eau. Une approche multi-actions qui aboutit, une fois celles-ci mises bout à bout, à une transformation plus globale. Certaines voies d’innovation touchent, elles, aux équipes de travail : il s’agit de donner la possibilité aux intervenants d’être acteurs de leur travail, de choisir comment s’organiser. Cela peut toucher les plannings, le recrutement, l’évolution des salariés, le champ de la prévention, de la santé, etc. Chaque structure définit les missions de ses équipes en autonomie, en élargissant les responsabilités. Il s’agit alors d’une transformation généralisée, qui touche l’équipe et l’architecture globale de la structure.
Quelle est la suite du programme ?
En plus des monographies, qui vont permettre de se nourrir de ces expériences, on va diffuser sur notre site un rapport qui reprend les grandes observations, avec une analyse croisée des différents terrains d’investigation. L’UNA souhaite ensuite accompagner les projets de transformation des structures. Nous achèverons d’ici la fin de l’année l’ingénierie des accompagnements. Ce travail est soutenu par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) et partagé avec un comité d’experts – les universités Grenoble-Alpes et Sherbrooke au Canada, le Gérontopôle de Nouvelle-Aquitaine et la Fondation européenne pour l’amélioration des conditions de vie et de travail – qui permettra d’échanger autour des conclusions et d’enrichir les livrables. Début 2023, l’accompagnement commencera, avec une cohorte de 10 à 15 structures pour expérimenter les outils. Nous les aiderons, pendant 12 à 18 mois, à identifier la transformation et à mettre en place le projet. Il ne s’agit pas de les enfermer dans une solution magique et unique, mais d’impulser des principes généraux tout en restant pragmatique. On doit respecter la culture et les projets des structures, qui ne sont pas tous identiques ni menés de la même manière. Enfin, le programme s’achèvera fin 2024 avec une phase d’évaluation.