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Clinique de l’exil : un diplôme pour améliorer la prise en charge des personnes migrantes

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Crédit photo Pascal Bachelet / BSIP via AFP
Avec une approche globale et transversale, le diplôme interuniversitaire (DIU) « Exil, droit et santé » de l’université de Montpellier propose aux professionnels et bénévoles associatifs d’approfondir leurs compétences pour améliorer leur prise en charge des personnes migrantes. Le cursus est orienté sur la clinique de l’exil, les approches transculturelles, les aspects politique, éthique, social et juridique, l’analyse des pratiques… Psychologue et responsable du centre Frantz Fanon-La Cimade à Montpellier, Muriel Montagut a créé ce DIU avec Vincent Faucherre, médecin au CHU de Montpellier, Thierry Brigaud, médecin, et Mady Mercier, infirmière de Médecins du monde, ainsi qu’avec le centre Osiris de Marseille.

Pourquoi avoir créé cette formation et à qui s’adresse-t-elle ?

La prise en charge en santé des personnes en situation d’exil est souvent complexe, laborieuse, en raison des difficultés spécifiques inhérentes à ce public. Les professionnels qui les accompagnent peuvent se trouver démunis, parfois isolés. Le centre Frantz Fanon, en tant que centre de ressources pour toutes celles et ceux qui côtoient ces publics, est souvent sollicité pour des formations sur la clinique de l’exil, l’accompagnement des mineurs non accompagnés (MNA) ou encore le travail avec un interprète. En lien avec d’autres professionnels, nous souhaitions proposer une formation dédiée qui soit à la fois accessible et à la hauteur des enjeux politiques et sanitaires soulevés par cette thématique. Le DIU s’adresse aux professionnels en formation continue (infirmiers, travailleurs sociaux, psychologues…), aux bénévoles et aux étudiants en formation initiale. Le seul prérequis est de posséder une expérience dans l’accompagnement des personnes exilées. Ce cursus vise à les étayer dans leurs pratiques par des apports théoriques solides. Afin d’être au plus près de leurs questionnements et de leur expérience de terrain, des analyses de pratiques professionnelles sont également proposées. Lors de la première promotion, il y avait 12 inscrits : une juriste, trois médecins, un chef de service et sept travailleurs sociaux intervenant dans divers lieux de soins ou dans des structures telles que les centres d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) ou les foyers pour MNA.

Quel est le contenu du cursus ?

De janvier à juin, 110 heures d’enseignement sont prodiguées, à raison de deux jours par mois. Au cours de ces journées, nous abordons les questions du droit, de la santé somatique, de l’anthropologie et de la santé mentale. Sur cette dernière, le DIU aborde la nature des troubles psychiques en lien avec l’exil (déracinement, traumatisme, notamment traumatisme intentionnel tel que la torture, troubles du langage…) et leurs déclinaisons en fonction de la situation des personnes qui sont des demandeurs d’asile, des mineurs non accompagnés, des femmes victimes de traite, etc. Plusieurs dispositifs cliniques efficients de prise en charge psychologique sont présentés, telles les consultations transculturelles, avec un focus sur la nécessité d’un travail soutenu avec des interprètes. Après un rappel sur l’anthropologie de la santé et un tour d’horizon sur les aspects sanitaires des migrants en Europe, le DIU aborde les questions de santé somatique, essentiellement sous l’angle de la prévention et de l’éducation à la santé et de l’accès aux soins. Il donne également la parole aux acteurs de terrain. Il n’existe pas de pathologies spécifiques dont seraient atteints les migrants, juste une incidence particulière de certaines de ces maladies. Ce module est également l’opportunité de présenter des dispositifs singuliers tels que le dispositif Kintsugi, mis en place par le centre Frantz Fanon, la clinique Beausoleil et le Planning familial 34 pour accompagner des femmes ayant subi des mutilations sexuelles et qui envisagent une réparation chirurgicale dans un parcours de soins coordonnés. Enfin, le DIU aborde les institutions et les textes fondamentaux relatifs au droit des étrangers, au droit d’asile, à celui des mineurs isolés étrangers.

Qui sont les intervenants ?

Nous faisons venir les personnes qui nous semblent les plus à même de défendre une posture, une pratique autour de l’exil, toutes celles que nous avions trouvées inspirantes dans nos parcours respectifs.

Pourquoi est-ce important de former les travailleurs sociaux sur ces sujets ?

C’est fondamental de les soutenir dans leurs pratiques afin de parer au sentiment de solitude et d’épuisement inhérent à ce type de prise en charge. Les procédures juridique et administrative des personnes en situation d’exil sont compliquées et bien souvent maltraitantes. Les parcours de soins sont chaotiques, parfois rendus impossibles, faute de soignants formés ou d’interprètes. Travailler avec des personnes en situation d’exil revient à recevoir des hommes, des femmes qui ont, la plupart du temps, un parcours tissé d’événements violents et de ruptures, sur un fond d’incertitude, voire de non-reconnaissance juridique, d’errance sociale et, parfois, de maltraitance administrative. Je pense, par exemple, à la dématérialisation, qui rend l’accès aux guichets des préfectures incroyablement difficile, ou aux tests osseux pour les mineurs non accompagnés. Tenir pour accompagner ce public malgré des moyens très limités, des pressions institutionnelles, des contraintes de plus en plus importantes, avec une politique d’asile qui se resserre du côté de la suspicion et d’entraves administratives, nécessite de trouver des ressources pour se protéger. Par ailleurs, nous voulions sensibiliser à la question de la santé mentale, tout à fait essentielle, pour identifier les personnes en souffrance psychique et mieux les accompagner, saisir leurs problématiques spécifiques, qui vont nécessiter une attention particulière, au croisé du juridique et du psychologique. A l’instar des personnes ayant vécu des actes de torture, les MNA, les personnes victimes de réseaux de traite ou encore les LGBT+.

Il existe déjà des formations sur l’exil et l’inter­culturalité. En quoi celle-ci est-elle différente ?

Effectivement, il existe d’autres DIU sur l’interculturalité ou l’ethnopsychiatrie, plutôt dans la région parisienne. Sur Montpellier, nous avions déjà un cursus à la faculté de médecine, le DU « santé et précarité », mais il n’y a rien de spécifique autour de la question de l’exil. Nous avons voulu proposer une formation à l’articulation du sanitaire et du politique car ces champs sont profondément intriqués. Le soin doit se penser en lien avec le contexte social et politique dans lequel il est réalisé. Je crois fermement que ce type de formation vient raviver un champ des possibles pour les acteurs de terrain qui la suivent, là où notre pratique quotidienne nous ramène vers l’impossible. J’espère qu’ils repartent plus outillés, qu’ils se sentiront plus justes dans leur accompagnement, plus confiants dans leur approche et leur espace de créativité.

Avez-vous eu des retours ?

Les retours de la première promotion ont été particulièrement positifs. Que ce soit sur les choix des intervenants, le contenu de l’enseignement ou la dynamique générale du DIU. Les participants ont notamment souligné l’importance d’une réflexion collective qui est venue rompre le sentiment d’isolement ressenti dans leurs pratiques professionnelles. Les thématiques abordées sont variées tout en étant approfondies. On se plonge vraiment dans la problématique de l’exil, dans toutes ses composantes, aussi complexes que passionnantes.

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