Les tapis moelleux et colorés, les jouets épars, les meubles arrondis et pensés à hauteur de bambins… Rien dans l’agencement de l’espace ou le matériel de cette crèche roubaisienne ne semble la différencier d’une autre structure destinée à la petite enfance. Rien, si ce n’est le projet pédagogique de Rigolo Comme La Vie – Noémi : accueillir ensemble des enfants sans besoins spécifiques et des enfants en situation de polyhandicap. Une volonté inclusive qui n’existe que dans une seule autre crèche, à Lyon. La directrice, Marie Guyot, estime pourtant que tout « coule de source » dans cet établissement à la fois pionnier et très banal, qui compte 25 enfants. La présence à temps plein d’une infirmière est la seule véritable spécificité en termes de ressources humaines. « Si nous ouvrons nos portes à huit enfants en situation de polyhandicap, c’est grâce à ce poste en plus. La professionnelle de santé est disponible à n’importe quel moment de la journée. C’est rassurant pour les familles et pour l’équipe. Pour autant, nous ne sommes pas un lieu médicalisé. Ce n’est pas l’infirmière qui va accompagner le petit tout au long de sa journée. Au-delà de soins incontournables, priment les interactions avec les autres et ce que l’on peut proposer pour favoriser l’éveil. »
Adossée à la ville de Roubaix, Rigolo Comme La Vie – Noémi (du nom d’un réseau de crèches et d’une association venant en aide aux parents d’enfants polyhandicapés) prend en charge des bébés ou des jeunes enfants – âgés de 10 semaines à 4 ans – vivant dans la commune et des enfants présentant des polyhandicaps (jusqu’à 6 ans). Ces derniers sont généralement identifiés par le centre d’action médico-sociale précoce (CAMSP). « Mais parfois ce sont les parents eux-mêmes qui ont entendu parler de nous », reprend la directrice. « Ils n’ont pas encore de diagnostics clairs, tâtonnent, se heurtent à des portes fermées, remuent ciel et terre… Ils sont tellement soulagés de nous trouver. Pour eux, emmener leur petit à la crèche le matin, déposer son manteau dans le casier, c’est juste incroyable. »
Lieu de répit
L’intervention de la psychomotricienne du CAMSP au sein même de la crèche – ou des autres thérapeutes relevant de l’étayage médico-social extérieur – permet aux familles d’alléger leur emploi du temps. Rigolo Comme La Vie – Noémi incarne un vrai lieu de répit. Pour autant, le quotidien s’y écoule paisiblement, au rythme habituel des pensionnaires en couches-culottes. Repas, changes, siestes, activités sensorielles, les enfants partagent pratiquement tout. Sans que le handicap des uns soit un sujet pour les autres. « Un enfant, qu’il soit valide ou non, est avant tout un enfant », martèle Juliette Hoornaert, éducatrice de jeunes enfants et récente recrue au sein de l’équipe composée par ailleurs d’auxiliaires de puériculture et d’animatrices (CAP petite enfance). « Ils ont les mêmes besoins affectifs, de socialisation et d’éveil. On avance tous ensemble. A plus long terme, ce projet permet aux enfants polyhandicapés de grandir au sein d’une collectivité et à leurs camarades d’apprendre le respect, la tolérance et la différence. Le handicap n’est absolument pas central dans notre projet pédagogique. »
D’autant que la petite enfance est traversée par des rythmes d’apprentissage, des aptitudes et des degrés de développement très variés. Une hétérogénéité qui profite à la notion d’inclusion. « Ce mélange est stimulant pour gagner en autonomie, s’enthousiasme Marie Guyot. Les enfants bénéficieront forcément de ces moments d’éveil en dehors de la cellule familiale. Et puis nous contribuons à forger de futurs adultes qui auront moins peur des particularités des autres. »
