La Métropole de Lyon expérimente l’intégration de psychologues dans ses équipes de prévention spécialisée, depuis septembre 2021. « Les éducateurs remontent les problèmes de santé psychique des jeunes, qui se sont accentués avec la période Covid », détaille Annie Chavonnand, de la direction de la prévention et de la protection de l’enfance. Dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, la collectivité a bénéficié de huit postes, dont deux de « psychologues de rue ». Employés par le Grand Lyon, ils interviennent auprès des équipes de prévention spécialisée métropolitaines et associatives, sur quatre arrondissements qui concentrent les quartiers prioritaires de la ville. « Leur rôle est de proposer des interventions de terrain selon les principes de la prévention spécialisée, d’aider à repérer la souffrance des jeunes et de leurs familles, poursuit Annie Chavonnand. L’idée est aussi de désacraliser l’image du psychologue. Quand on parle de cette profession à des jeunes, ils nous disent qu’ils ne sont pas fous. »
Paola Giammattei a intégré les équipes de prévention spécialisée début octobre, à mi-temps. C’est son premier poste en tant que psychologue. Au fil des mois, elle a calqué sa pratique sur celle des éducateurs. « Il n’y a pas de demande de la part des adolescents. Je dois la faire émerger », abonde la professionnelle. Sa présence est visiblement appréciée. « Elle va savoir quand un ado a besoin d’un suivi psy, elle nous apporte aussi l’éclairage théorique sur certains comportements. Beaucoup de jeunes passent à travers les mailles depuis des années et on les récupère trop tard », explique son collègue Rédoane Saadi, éducateur depuis plus de vingt ans en prévention de rue.
Démystifier la figure du psychologue
Ce qui implique d’aller rencontrer ces jeunes de 12 à 21 ans, là où ils sont : dehors. « Le travail de rue est nécessaire pour s’immerger dans le quartier », affirme l’éducateur. « Dans la rue, on comprend beaucoup de choses, assure Paola Giammattei. J’accompagnais un jeune à la boulangerie avec son copain quand on a croisé son beau-père. Le regard du garçon a immédiatement changé et son ami a pris la fuite. Ça, je ne l’aurais jamais vu si j’étais restée au bureau. » De là à envisager de mener des entretiens psychothérapiques dans les parcs du quartier, sur les parkings, au café ou au kébab, la psychologue se montre sceptique. En raison de la présence des « potes » et de la confidentialité des échanges. « Ça viendra, affirme l’éducateur. Je sais que c’est possible quand on connaît bien les lieux mais il faut des années pour être implanté dans un quartier. » Difficile pour la jeune femme, embauchée pour un an, de se projeter si loin. « Au début, je ne croyais pas trop au travail de rue, reconnaît-elle. Mais si ça peut démystifier la figure du psychologue et sensibiliser des jeunes qui en ont besoin, ça aura servi à quelque chose. »
La partie est loin d’être gagnée : quand un adolescent accepte de s’entretenir avec un « psy », après plusieurs séances, il doit l’orienter vers des structures de soin dédiées. Or les places sont chères. « C’est un des principaux freins, soupire Paola Giammanttei. Il y a une pénurie de psychiatres. »
Un bilan du dispositif sera établi cet été, mais les équipes ont déjà procédé à certains ajustements. Dorénavant, la psychologue se concentrera sur un seul quartier de Lyon afin de se familiariser avec le terrain, les jeunes, les partenaires, mais aussi pour simplifier l’organisation générale.
