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Ressources humaines : manager à proximité pour fidéliser les équipes

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Crédit photo MORCILLO / BSIP via AFP
Quand les tensions en matière de recrutement sont fortes, éviter les démissions de salariés constitue une nécessité dans les structures. Un objectif exigeant, qui suppose de ne laisser aucun détail au hasard. Les établissements qui parviennent à stabiliser leurs équipes mettent en avant la proximité entretenue avec celles-ci.

En trois mois, 36 000 départs sur 610 000 salariés dans les établissements sociaux et médico-sociaux ? Telle est l’hypothèse des fédérations Fehap (Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs) et Nexem (principal représentant des employeurs associatifs du secteur social, médico-social et sanitaire), qui ont interrogé leur base d’adhérents sur les mouvements de leurs personnels au troisième trimestre 2021. Voulant donner l’alerte une fois de plus sur l’état très dégradé du secteur, elles posent un chiffre sur ces départs, parfois massifs, observés dans les structures. Au sein de la Fondation des amis de l’atelier (93 établissements et services, plus de 2 100 salariés), le turn-over a doublé en 2021, passant de 10 % à 20 % ! Un phénomène de grande ampleur lié aux revalorisations du Ségur, qui ont d’abord bénéficié aux hôpitaux et aux Ehpad avant d’être étendues aux personnels soignants des établissements sociaux et médico-sociaux. « Ces départs ne sont pas liés à la crise mais au problème des salaires », diagnostique Hélène Sepchat, DRH de la Fondation des amis de l’atelier. Aides-soignantes et infirmières ont rejoint les Ehpad, les structures sanitaires, les centres de vaccination. Le groupe subit aussi de plus belle la concurrence du médico-social privé lucratif, qui propose parfois des rémunérations plus élevées. Et qui compte actuellement… 250 postes vacants.

La crise vient ainsi exacerber une question qui, loin d’être nouvelle, gagne en urgence : comment fidéliser ? Les structures actionnent différents leviers pour endiguer les démissions. Constatant que 67 % des 113 démissions enregistrées en 2020 (contre 71 en 2019) concernaient des salariés entre 0 et 5 ans d’ancienneté, l’association Olga Spitzer (818 salariés), implantée en région parisienne sur le champ de la protection de l’enfance, travaille la formation des nouveaux arrivants afin d’améliorer leur intégration dans les services. Un effort étayé par du tutorat faisant l’objet d’une prime spécifique pour les salariés impliqués. S’y ajoute le paiement de primes ou d’heures supplémentaires en cas de remplacement de collègues absents. Des mesures qui, pourtant, n’ont pas encore permis de réduire significativement le turn-over. « Les heures supplémentaires sont bien vues, mais on s’habitue aux revalorisations pécuniaires », estime Arnaud Gallais, son directeur général.

La situation des Ehpad signale les limites des revalorisations. « En permettant de rebooster certains agents, la hausse des rémunérations a été positive. Mais ils attendent autre chose », estime Léa Pierre, chargée de mission RH à la plateforme territoriale solidaire des métiers du grand âge. « Les agents veulent obtenir une meilleure qualité de prise en charge grâce à l’augmentation des effectifs », témoigne Fabrice Floch, directeur de l’Ehpad public L’Orée des Bois, à Oiron (Deux-Sèvres). Ce responsable a remarqué que la crise avait entraîné le départ de quelques titulaires vers des emplois moins bien payés, mais surtout moins pénibles. Globalement, « la rémunération joue dans les départs, mais ce n’est plus le seul élément. Aujourd’hui, on sait qu’une partie beaucoup plus importante des personnels quitte totalement la profession à cause de la pénibilité des métiers, de la pression », nous confirme-t-on à la Fehap. Consciente des enjeux, l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services au domicile) a lancé un vaste état des lieux des pratiques managériales qui améliorent la qualité des emplois afin d’en tirer des « facteurs clés de succès » pour l’attractivité. Pour cet acteur de l’aide à domicile, ce sera en particulier l’occasion d’analyser l’impact de certaines pratiques nouvelles. Et de citer l’organisation par équipes, les horaires fixes, les équipes semi-autonomes, celles dédiées à un public spécifique ou à une activité, la mise en place d’espaces de discussion, etc.

Désamorcer les situations de fatigue

Alors que certains doutent de leur capacité réelle à fidéliser compte tenu de toutes les contraintes, des contre-exemples existent. C’est le cas de Patricia Da Silva, directrice de l’association d’aide à domicile AVT, à Thiers (Puy-de-Dôme), qui emploie environ 65 salariés, dont la moitié sont âgés de plus de 50 ans et ont plus de 15 ans d’ancienneté. Selon elle, « la consolidation de la base et du bien-être s’obtient par la multiplicité des actions ». Des temps pleins avec emploi du temps réparti sur quatre jours ou quatre jours et demi dans la semaine ainsi que des week-ends garantis grâce à une équipe d’auxiliaires de vie volantes permettent de juguler la fatigue. Une psychologue est également à disposition, à la demande des salariés. Mais pour cette directrice en poste depuis 2011, la proximité avec les salariés constitue un facteur essentiel de la qualité de vie au travail. Ce positionnement managérial permet de désamorcer les situations et d’éviter d’entrer dans le cercle vicieux des absences. « Quand une salariée est fatiguée, je le sais tout de suite. Je la reçois et je revois les plannings. La modique différence, parfois, c’est d’enlever la petite demi-heure qui gêne », explique-t-elle.

De même, l’association Vene (Vivre ensemble une nouvelle enfance), qui compte une maison d’enfants à caractère social (Mecs) à Chevrières (Isère) de 16 places employant six éducateurs spécialisés, n’a pas de problème de fidélisation ou d’attractivité. Son directeur, Pierre Vincent, compte un départ « tous les deux ou trois ans », qu’il parvient à remplacer sans difficulté, malgré des rémunérations alignées sur les conventions collectives. Il insiste sur les conditions qui permettent d’accomplir un travail de qualité. « On a une adhésion forte car le projet éducatif est travaillé en permanence. Les éducateurs ont énormément d’autonomie et de liberté. Quand ils proposent des sorties, nous sommes toujours d’accord. On ne va pas leur demander de faire eux-mêmes un budget prévisionnel. On organise des camps à l’étranger pendant vingt jours, on prend des initiatives nous amenant à des aventures éducatives qui apportent de la densité au travail. » Directeur de la structure depuis dix-sept ans, il reconnaît que cela demande « une très grande densité personnelle dans l’action et dans la prise en charge éducative ».

Pouvoir rencontrer sa hiérarchie, avoir de l’autonomie dans ses missions, disposer d’une fiche de poste conforme à la réalité du travail et négociée, suivre un emploi du temps le plus stable et équitable possible, travailler dans une structure qui bénéficie d’un bon dialogue social… Voilà autant de conditions, non suffisantes en elles-mêmes, pour permettre de retenir les salariés. « La fidélisation repose sur une série d’ingrédients différenciés », résume Olivier Colomb, président d’Aviance conseils. Conserver des structures à taille humaine favorise-t-il aussi la fidélisation ? Si ce consultant, comme d’autres observateurs, reste prudent sur ce point, Patricia Da Silva et Pierre Vincent insistent sur cet élément clé afin de rester proches de leurs équipes. La capacité à assurer un management de proximité représente l’un des axes structurants de fidélisation, selon Christophe Combaudon. Affilié à l’Institut de socio-économie des entreprises et des organisations, cet intervenant-chercheur constate, sur ce point, une défaillance manifeste des organisations, en particulier dans certains Ehpad. « Aujourd’hui, quasiment tout le management repose sur le directeur d’établissement. Or penser qu’une telle gestion soit possible est une utopie managériale », estime-t-il. Selon lui, l’un des moyens de réduire le turn-over consiste à investir dans l’encadrement intermédiaire ou à consacrer davantage de temps aux pratiques managériales. Ce qui suppose de dispenser des formations de qualité. Un point qui manque encore, selon lui, dans certains cursus, comme celui d’infirmière coordinatrice, destinés pourtant à encadrer des équipes au quotidien.

Quel turn-over dans les structures ?

Bien qu’il fasse partie des indicateurs RH classiques, le turn-over (ou taux de rotation) fait rarement l’objet d’études statistiques poussées. Selon une étude de l’Anap (Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux), il atteignait une médiane de 8,3 % en 2016. Les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), dont les services polyvalents d’aide et de soins à domicile (Spasad), affichent l’instabilité la plus élevée, avec respectivement 13,6 % et 9,6 % ; suivis des services d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), avec 10,6 % ; des instituts d’éducation motrice (IEM), avec 9,7 % ; puis des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), avec 9,3 %. On trouve le plus faible turn-over dans les établissements et services d’aide par le travail (Esat), avec 6,9 %, ainsi que dans les services d’accompagnement à la vie sociale (SAVS), avec 2,9 %. Tous types d’établissements confondus, le taux de rotation des personnels le plus élevé de métropole est en Ile-de-France (12 % en médiane), à l’opposé des régions Bretagne et Pays de la Loire, toutes deux à 6,3 %.

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