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Dystopire

Vince Leduc spécial en action

[CHRONIQUE] Ce mercredi 25 juin 2024, sur son compte Linkedin, Vince, « l’éduc spécial » raconte la journée d'un travailleur social en 2025. Un texte à l'humour grinçant qui vaut le déplacement et qui mérite d'être reproduit in extenso.

8h00. J’arrive au bureau. Devant la machine à café Pierre et Hélène parlent encore de la situation de Monsieur M en se demandant comment ils vont faire pour faciliter l’application de son OQTF.

J’allume mon ordi. Je lis un mail de la préfecture qui me demande une nouvelle fiche de signalement sur une famille albanaise.

Je contacte l’infirmière du lycée pour annuler notre intervention pédagogique avec le planning familial sur la prévention des risques homophobes et transphobes. Notre Direction nous a informés de la perte des crédits pour cette action.

9h15. Je reçois Madame B en entretien. Elle n’a toujours pas mis en place sa convention de bénévolat conditionnant le maintien de son RSA. Je suis immédiatement tenu d’en informer la CAF qui devrait lui bloquer ses droits rapidement.

Son fils de 15 ans est avec elle. Il est en colère et il hausse le ton. Je consulte discrètement son dossier sur le nouveau serveur d’Etat de la délinquance des mineurs. Il est déjà tracé, comme par hasard. Je coche un nouvel onglet « alerte mineur délinquant », on ne sait jamais. Ça devrait le calmer dans quelques jours lorsque sa mère recevra une autre notification de blocage des allocations familiales et que l’éduc PJJ chargé de son placement préventif viendra le chercher.

10h30. Je pars en VAD dans notre nouvelle Clio floquée d’un beau blason bleu-blanc-rouge. Je passe deux heures chez Monsieur et Madame G qui me racontent tous leurs déboires de voisinage avec les arabes et les noirs du quartier. Leur vie est un enfer : ils croisent des jeunes à capuches, ils ne supportent plus l’odeur du kebab d’en bas, ils ont peur pour leur belle Citroën C4 garée sur les places réservées aux français. Heureusement, la nouvelle politique de la ville a permis l’installation de 6 caméras supplémentaires et autorisé l’organisation de milices de quartier que Monsieur G s’est empressé d’intégrer. Il y retrouve ses amis du PMU, Bernard et Marc. La milice ? « C’est une ambiance très bon enfant » me dit-il, « on s’y raconte des blagues sur les bicots, comme au bon vieux temps ». Je quitte Monsieur et Madame G, rassuré par leur capacités à collaborer.

L’après-midi, je ne travaille plus. On nous a réduit notre temps de travail éducatif. Je complète mon mi-temps d’éduc par un poste de vigile chez Auchan. Avec ma gazeuse et mon collègue Rachid on s’y épanouit pleinement. Rachid, c’est un bon gars, il est parfaitement intégré. D’ailleurs il mange du cochon et il siffle des pastis. Il me fait mourir de rire lorsqu’il imite l’accent sénégalais du nouvel épicier de la galerie marchande.
Tiens d’ailleurs j’ai rendez-vous avec ce dernier demain matin, pour contrôler son titre de séjour.

Enfin bon, en attendant, ce soir c’est détente en famille devant C-News et un bon pot-au-feu préparé par « bobonne » (j’adore taquiner ma femme avec ce surnom).


Bref, je suis devenu un travailleur social d’extrême-droite.

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