Une délicate odeur sucrée flotte aux abords de l’Esat Sésame services, à La Montagne, près de Nantes. En ce matin d’automne, une douzaine d’apprentis pâtissiers, tous porteurs de handicap, s’affairent en cuisine à la fabrication de quelque 2 000 cookies. Sous la supervision de deux experts en pâtisserie, ils pèsent, malaxent et enfournent la pâte façonnée sous forme de petites boules. Cuits,ces biscuits ressemblent à s’y méprendre à ceux du commerce. A un ingrédient près : leur farine, entièrement obtenue à partir d’invendus de pain blanc. Allier anti-gaspi et solidarité, tel est le défi de l’association Handicap travail solidarité (HTS) qui a lancé Solifoodwaste en 2018, un projet financé par le fonds européen Life à hauteur de 2,4 millions d’euros.
Objectif ? Transformer des aliments destinés à la poubelle en pâtisseries, confitures ou jus de fruits. « La démarche de Solipain et Solifruits est double. Développer une filière de réduction du gaspillage alimentaire et créer de l’emploi pour les personnes en situation de handicap », indique Aziliz Le Talludec, chargée du projet. Toutes les productions sont élaborées en partenariat avec des Esat, les équipes veillant à l’adaptation des conditions de travail aux différents handicaps des bénéficiaires. Pour Solipain, HTS a ainsi fait appel à Sésame services. « Nous disposions déjà d’un atelier pâtisserie où nos travailleurs confectionnaient des tartes aux pommes et des galettes bretonnes pour les particuliers, les entreprises ou les collectivités », explique Thomas Schabaillie, responsable d’exploitation et développement de l’Esat.
L’humain d’abord
Depuis le mois de septembre, l’activité cookies a pris l’ascendant. Elle occupe désormais les travailleurs trois jours par semaine. Un rythme qui n’a pu être atteint qu’une fois les problèmes d’approvisionnement réglés. « Au départ, je faisais moi-même la tournée des boulangeries et de la restauration collective. Mais cela ne nous permettait pas de connaître la quantité de pain dont nous pouvions disposer, explique Aziliz Le Talludec. Nous avons donc décidé de nous fournir auprès d’un seul fabricant. Chaque semaine,il nous met de côté 30 kg de pain non vendable ou en surplus. » La liste des ingrédients a aussi été ajustée. Selon la consistance du pain, la farine peut en effet varier. « Un “expert cookie” bénévole nous a donné quelques astuces. Notre produit doit être bon pour que les consommateurs l’achètent », ajoute le responsable d’exloitation.
Une fois conditionnés, les cookies filent dans les locaux de HTS qui se charge de les répartir dans les points de vente. Distribués sous la marque Hanso & Zédé (contraction de handi-solidaire et zéro déchet), ils sont disponibles dans une vingtaine d’épiceries et cantines de la région nantaise ainsi que dans la boutique solidaire de l’association.
Depuis le lancement du projet, environ 240 kg de pain ont ainsi pu être revalorisés et 62 000 cookies produits rien qu’entre mars et septembre 2021. Prochaine étape : doubler la production. « On va faire venir une ergonome pour optimiser les gestes et les postures des travailleurs. L’idée n’est pas de devenir une usine en les remplaçant par des machines, prévient Thomas Schabaillie. La seule chose qui compte pour nous, c’est l’humain. »