Lors d’une réunion organisée le 30 août en présence d’associations et de riverains, Anne Hidalgo, la maire de Paris, a proposé la création de quatre nouveaux sites de consommation de drogue, dans les 10e, 19e et 20e arrondissements de la capitale. L’élue a doublé cette annonce d’une lettre adressée au Premier ministre, Jean Castex, dans laquelle elle présente son plan d’action et demande la mise en place d’un cadre technique ainsi que d’un soutien financier.
Ces propositions visent, en grande partie, à résoudre le point de tension qui enfle depuis plusieurs mois autour de la situation des jardins d’Eole (19e). Au début de l’été, ces espaces ont été interdits aux toxicomanes (déjà évacués en mai du quartier de Stalingrad), qui se retrouvent depuis massés aux alentours.
Que valent de telles annonces pour les acteurs de terrain ? La Fédération addiction, qui participe depuis le début aux échanges avec la mairie sur la gestion de crise, observe un élan nouveau et une équipe municipale davantage soudée. « Jusqu’à présent, chacun se renvoyait la patate chaude, analyse Nathalie Latour, déléguée générale de la fédération. Il s’agissait seulement de la problématique du maire du 18e ou de celle du 19e. Là, nous observons un vrai portage de l’équipe du nord-est, qui change la donne. La municipalité avance ce qu’elle peut apporter dans une approche territoriale. C’est désormais à l’Etat de prendre ses responsabilités sur l’aspect sécuritaire, d’action contre les trafics, et sur la mise en place du fléchage des financements. »
Diversifier l’offre
Après avoir expertisé 35 lieux au cours de l’été, la mairie prévoit l’installation de deux sites dans le quartier des Grands Boulevards, d’un autre dédié aux femmes consommatrices dans le 19e et, enfin, d’un centre dans le quartier Pelleport (20e), qui devrait être « opérationnel avant la fin de l’année ».
Parallèlement, il est demandé de renforcer les moyens financiers dans les huit lieux actuellement ouverts pour accueillir les personnes toxicomanes dans le 18e arrondissement, afin qu’ils puissent élargir leurs horaires et leur palette de services. « Il faut parvenir à avoir une offre diversifiée et complémentaire pour créer une véritable dynamique, martèle la déléguée générale de la Fédération addiction. Très souvent, on nous reproche de n’être focalisés que sur les salles de consommation à moindre risque. Ce n’est pas le cas. Ces salles ne représentent pas l’unique réponse, mais il s’agit d’une pièce essentielle. C’est comme pour une voiture, s’il vous manque un rouage dans le moteur, elle ne peut pas rouler. »
Il pourrait également être question d’adosser ces nouvelles structures à des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) déjà présents dans ces arrondissements. Une initiative prometteuse pour la Fédération addiction. « Un certain nombre de lieux très bien implantés sur le territoire peuvent s’emparer de l’aspect logistique et être en capacité d’accueillir des espaces de consommation sans que cela ne change la physionomie du quartier, rapporte Nathalie Latour. Aujourd’hui, environ 70 % des Caarud nous font remonter des cas de consommation implicite dans leurs locaux. Cela met tout le monde en difficulté. »
Encore une fois, pour que le dispositif fonctionne, la déléguée générale souligne l’importance du travail conjoint entre l’Etat et la collectivité afin de mettre en place des protocoles. « Il ne faudrait pas qu’on se mette à expérimenter, et qu’e l'on nous dise tout à coup qu’il n’y a pas de cadre juridique. »
Elargir au Grand Paris
Concrètement, dès la semaine prochaine, un travail de proximité doit être réalisé sur les sites prévus avec les maires d’arrondissement. Anne Hidalgo a également demandé l’organisation d’une réunion avec les riverains, la municipalité et le préfet de police. Enfin, une autre réunion doit se tenir le mois prochain avec les maires du Grand Paris, en vue de créer des lieux équivalents dans d’autres communes. « Un moyen de desserrer l’étau qui pèse sur la capitale intra-muros », assure la mairie.
Les annonces de la municipalité sont loin de faire l’unanimité parmi les habitants des quartiers concernés, qui attendent des mesures rapides. Le collectif StopCrackEole dénonce sur Twitter « un bras de fer politique dans lequel sont sacrifiés les riverains ».
Crack à #Paris @Anne_Hidalgo met le caillou dans la chaussure de l’Etat, bras de fer politique dans lequel sont sacrifiés les riverains ! la campagne présidentielle est lancée ! @EmmanuelMacron @JeanCASTEX @GDarmanin @BFMTV @BFMParis @CNEWS @franceinfo #hidalgo pic.twitter.com/hGB0A1wk80
— Stop Crack Eole ! (@StopCrackEole) September 1, 2021