ASH : Pourquoi avez-vous eu envie d’étudier les violences à domicile ?
Anne Lauseig : Depuis quelques années, la parole se libère chez les professionnelles, notamment sur les réseaux sociaux. Pourtant, ce sujet demeure tabou. A domicile, encore plus qu’en établissement, les situations peuvent être extrêmement compliquées car il s’agit d’une sorte de huis clos. Personne ne nous voit, nous sommes seules face à la violence. Il est difficile de s’exprimer, et donc d’être entendues. C’est pourquoi il existe peu d’études statistiques et de rapports sur cette thématique. Nous avons décidé de nous emparer du sujet, et avons envoyé un premier questionnaire à nos adhérentes il y a quelques semaines. L’opération sera répétée dans les prochains jours, avec pour objectif la publication d'une tribune à la rentrée.
Quels sont les premiers constats de votre enquête ?
Avant tout, il faut souligner qu’il existe deux types de violences : celle qui est la conséquence d’une maladie et celle, de fait, volontaire. Ensuite, il faut rappeler que la violence peut prendre plusieurs formes, avec des degrés différents. Elle peut être physique, verbale, sexuelle… « Tu es grosse », « Tu as de beaux seins », « Baisse-toi que je vois tes fesses »... Ces expressions sont violentes et, pourtant, encore trop de professionnelles ne les dénoncent pas.
Cependant, l’étude des premières réponses envoyées montre que la principale violence est la discrimination. Ce n’est peut-être pas la plus fréquente mais c’est la plus simple à dénoncer par les auxiliaires de vie, qui ont encore beaucoup de mal à évoquer d’éventuelles violences sexuelles.
Comment améliorer la situation ?
Actuellement, la réponse des directions est très hétérogène : mise en place d’une cellule d’écoute psychologique, recueil de la parole des salariées, rappel des bonnes pratiques aux usagers… De manière générale, l’accompagnement est très insuffisant. On pourrait imaginer la création, dans chaque département, d’une cellule spécialisée dans le recueil des violences à domicile. Il s’agirait d’un lieu d’échanges entre les professionnelles et les pouvoirs publics, mais aussi entre la personne coupable et les autorités. Car, encore bien souvent, quand les violences sont dénoncées, aucune sanction n’est prise à l’encontre de l’usager.
Je pense enfin que les auxiliaires de vie doivent être formées à la manière de réagir en cas de comportement violent. Que faire face à une personne agressive ? Comment poser des barrières pour ne pas être psychologiquement atteinte par les insultes ? Comment ne pas être exposée ? Autant de situations difficiles à appréhender pour ces professionnelles, alors même que les formations existantes sont déficitaires et insuffisantes.
Peut-on envisager une intervention en duo pour réduire les risques ?
Face à une personne violente, que l’on soit une ou deux ne changera rien. Si l’usager doit être violent, il le sera d’autant plus si cette violence est liée à une maladie. Même en cas d’actes « gratuits » (insultes, racisme…), cela ne sert à rien de mobiliser deux personnes. C’est avant tout une question d'éducation. Quand un homme est désobligeant et qu’il ne cesse de rabaisser les femmes, il faut savoir le recadrer. Et il faut y parvenir sans le mettre en colère. D'où l’importance d’une formation.
Pour témoigner auprès du collectif d’éventuelles violences, vous pouvez envoyer un mail à l’adresse suivante : collectif.laforceinvisible@gmail.com
>>> Notre hors-série sur le sujet est à lire ici