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"L'accompagnement est indissociable des mesures de curatelle et de tutelle"

Ange Finistrosa, président de la FNAT, revient sur le débat autour des missions du mandataire judiciaire. 

[TRIBUNE]  Le mandataire judiciaire à la protection juridique des majeurs effectue-t-il un accompagnement dans le cadre de la mise en œuvre du mandat judicaire de curatelle ou de tutelle, au risque de marcher sur les platebandes des travailleurs sociaux ? Président de la FNAT (Fédération nationale des associations tutélaires), Ange Finistrosa décrypte les enjeux de cette question qui divise toujours les professionnels.     

Dans le secteur de la protection juridique des majeurs, la notion d’accompagnement a le défaut de sa qualité : on comprend ce qu’elle veut dire mais on peine à la définir. On voudrait la différencier de l’accompagnement social sans l’assécher, mais on la met en œuvre par les techniques du travail social sans l’assumer.

On déploie alors une terminologie spécifique et parfois de contournement : accompagnement tutélaire, de protection, protectionnel, accompagnement au soutien de l’exercice des droits, etc.

Combattue par certains car jugée trop floue, à forte dimension sociale et prétexte aux retraits des opérateurs sociaux du droit commun, elle est au contraire revendiquée par d’autres car elle caractérise l’efficience de la protection (personne et bien), selon eux véritable sentinelle aux intérêts et besoins exprimés ou non exprimables de la personne.

Cette absence de consensus a logiquement entraîné un questionnement : le mandataire judiciaire à la protection des majeurs (MJPM) réalise-t-il, oui ou non, un accompagnement ?

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Conscient de ce débat, et à l’appui des nombreux rapports, expertises et conclusions des groupes de travail qui se sont empilés ces dernières années, le législateur, par la loi du 8 avril 2024, s’est positionné et a complété l’article L. 471-1 du code de l’action sociale et des familles (CASF) en légiférant en faveur d’un accompagnement par le MJPM au bénéfice des personnes concernées tout en prenant soin de préciser que cet accompagnement ne se substituait pas à celui du droit commun de l’action sociale : « La mission d’accompagnement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs s’exerce sans préjudice de l’accompagnement social auquel la personne protégée peut avoir droit. »

Dès lors, l’accompagnement est indissociable de la mesure de protection.

Accompagner c’est un moyen autonome qui permet la mise en place d’actes ou d’actions avec la personne protégée quand elle l’a exprimé ou dans l’intérêt de celle-ci quand elle ne peut l’exprimer.

Accompagner ne requiert pas la finalisation d’un acte, à l’inverse de l’assistance ou de la représentation.

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L’accompagnement requiert ainsi la recherche permanente d’un équilibre entre l’aide, l’information, le conseil, l’assistance et la tentation de la représentation, au-delà du mandat judiciaire confié. Mais suppose aussi de tenir compte du droit à l’erreur et du risque encouru par la personne protégée sans pour autant l’abandonner.

C’est un levier en faveur de l’autonomie et de l’individualisation de la mesure de protection (obligation contenue dans le code civil et le CASF dès 2007 et 2015) que l’on retrouve d’ailleurs dans le DIPM (document individuel de protection des majeurs).

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En pratique, les MJPM sont des professionnels sociaux-judiciaires qui interviennent dans des domaines divers : protection des droits fondamentaux, démarches administratives, gestion financière, ouverture et maintien des droits financiers et sociaux, préservation et maintien dans le logement, prévention et lutte contre la maltraitance, promotion de la bientraitance, lanceur d’alerte et de signalement, facilitateur de liens entre les professionnels de santé, etc.

Ils doivent dès lors construire une relation avec les personnes qu’ils protègent où les liens interpersonnels de confiance et d’empathie peuvent être très prégnants. Cette relation se déroule souvent sur le long terme et doit être adaptée aux besoins spécifiques de chaque individu. Ce lien et ce cheminement mobilisent les techniques et spécificités du travail social en tenant compte des conduites à tenir face à certaines pathologies spécifiques. Ils doivent parfois donc intégrer l’inconstance d’une position de la personne protégée ou son incapacité à en exprimer une, mais aussi l’interaction et influence de la famille, des proches, des tiers ou de la commande sociale.

Il ressort de travaux universitaires récents, et notamment la thèse en droit (soutenue en 2015) de Sonia Zouag, magistrate, sur « l’accompagnement : nouvelle figure du droit »,  que « l’accompagnement est porteur de changement sociétal ». « Il invite à concevoir que nous puissions instaurer des relations au sein desquelles » le besoin de l’autre « n’est ni disqualifiant ni humiliant ».

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Autrement dit, accompagner n’altère en rien cet idéal d’autonomie que nous assignons sans discernement à toutes les personnes protégées jusqu’à nier certaines fois la situation de vulnérabilité qui a présidé à la mise en place d’une mesure de protection. Nous devons nous approprier cette notion et ne pas en faire un repoussoir, au risque de désincarner ou de déshumaniser la protection des personnes vulnérables.

Accompagner une personne bénéficiant d’une mesure de protection ce n’est pas enfreindre ses droits fondamentaux.

En conclusion, l’accompagnement d’une personne protégée par le MJPM est une notion indissociable de la mesure de protection. L’accompagnement est dans l’ombre de la protection dans le sens où elle ne se substitue pas aux souhaits exprimés, mais elle est présente pour les personnes qui ne s’expriment pas ou ne peuvent exprimer des volontés.

En intégrant des perspectives interdisciplinaires et en mettant l’accent sur l’accompagnement humain, les MJPM peuvent offrir une protection adaptée aux réalités des personnes vulnérables. Il est attendu la recommandation de bonne pratique professionnelle (RBPP) de la Haute Autorité de santé (HAS) dans le cadre des dimensions à prendre en compte pour mettre en œuvre cet accompagnement qui servira ainsi de socle d’intervention pour l’ensemble des MJPM.

 

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