Un impensé à prendre en considération
Lire un livre, écouter de la musique, aller au cinéma, flâner devant une exposition ; autant de moments qu’aimeraient vivre de nombreuses personnes empêchées par la maladie, le vieillissement ou le handicap. À l’heure où les textes législatifs s’étoffent, où la loi de 2005 reconnaît la culture comme « un besoin essentiel ouvrant droit à compensation », où le tissu d’établissements culturels se densifie sur l’ensemble du territoire, comment peut-on encore accepter que des usagers en soient tout simplement exclus ? Si la question se pose moins en établissement avec des ateliers culturels, des interventions d’art-thérapeute, force est de constater qu’à domicile, le désert culturel règne toujours en maître : seuls les besoins physiologiques sont pris en compte. Bien que la culture soit nécessaire à la qualité de vie, les excuses sont encore nombreuses pour y renoncer : manque de temps, perte d’autonomie des publics, budget insuffisant. Pourtant qui peut encore penser qu’un concert, un film sur grand écran ou encore la découverte d’oeuvres d’art aux musées soient des moments superflus dont on peut se passer aisément ?
Un engagement partagé à l'échelle locale
Sur le terrain, les initiatives se multiplient : que ce soient des associations qui proposent l’intervention à domicile d’un artiste, d’un art-thérapeute financé par une plate-forme de répit ou encore des rendez-vous culturels dédiés aux aidants. Des collectivités se sont également saisies de la question en proposant des séances de cinéma dédiées aux plus âgés. Certains services à domicile ont misé sur la prévention en défendant le métier de dame ou homme de compagnie avec pour seul objectif de faciliter l’accès à la culture et ainsi de repousser la dépendance. D’autres professionnels ont su saisir l’opportunité offerte par certains lieux culturels depuis la crise du Covid avec une accessibilité de l’offre de sites patrimoniaux ou de collections de musées qui se visionnent en deux clics à distance. Plus la peine de quitter son domicile pour s’évader. Sortir de chez soi constitue pourtant un besoin que certains s’emploient à défendre. C’est le cas du groupement d’entraide mutuelle AFTC 13 auprès de ses bénéficiaires ou encore de l’UNA en Charente et Vienne. D’autres mettent en avant le talent des usagers en organisant des expositions où des artistes en situation de handicap (ou non) tiennent le haut de l’affiche ensemble, sans distinction.
Un ticket gagnant-gagnant
Afin que la mort sociale ne précède pas la mort biologique, les pratiques devront encore évoluer. Reste un défi majeur, celui de l’accessibilité : transport jusqu’au dernier kilomètre du lieu culturel, adaptation de l’activité, accompagnement personnalisé, aide au financement. Des raisons qui poussent la majorité des personnes vulnérables à rester chez elles, à subir un isolement contraint, à se sentir indignes de fréquenter des hauts lieux culturels. Pour éviter cette exclusion, l’offre devrait être générique et adaptée à tous, diminuant ainsi les propositions spécifiques qui peuvent être vécues comme stigmatisantes. Le domicile pensé dans sa dimension rationnelle et organisationnelle doit aujourd’hui trouver un autre modèle afin que la personne aidée trouve sa place, soit entendue dans ses goûts et besoins. L’enjeu vise autant le mieux-vivre des bénéficiaires que la quête du sens au travail des professionnels.
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