Un cheval pour canaliser ses émotions
À la maison d’accueil spécialisée (MAS) Anais d’Ancenis (Loire-Atlantique), les personnes cérébro-lésées et polyhandicapées ont la possibilité de pratiquer l’équitation adaptée. En effet, distant d’une trentaine de kilomètres, le centre équestre La Fleuriaye, à Carquefou, a été spécialement pensé pour pouvoir accueillir des personnes à mobilité réduite : outre la présence d’un moniteur formé aux handicaps, il dispose d’un « Equilève », système mécanique de montage. Initié par Julien Oger, éducateur sportif spécialisé intégré à la MAS, ce partenariat permet aux résidents de vivre presque comme tout le monde leur passion pour l’équitation.
Monter à cheval sollicite le corps en développant l’équilibre, la force et la coordination et améliore la souplesse des articulations tout en renforçant la posture. Autre bienfait, la communication non verbale entre la personne et l’animal renforce le lien affectif, créant un espace où les émotions s’expriment pleinement. « La relation avec le cheval agit comme un catalyseur émotionnel, explique Julien Oger. Je constate une détente et une sensation de liberté chez les participants. Pour eux, c’est une expérience multisensorielle qui stimule leur attention et la conscience de leur corps. »
Afin de définir le sens de chaque séance, les échanges avec le responsable du centre équestre sont permanents. Le principe : tenir compte du projet individuel du pratiquant et procéder à des évaluations régulières. « Les intentions varient selon les besoins spécifiques de chaque personne. », conclut l’éducateur.
Un jeu de plateau pour se dépasser
« Pour les personnes qui recherchent une formation ou un emploi, le sport n’est pas identifié comme une priorité », regrette Agnès Troncy, chargée de mission prévention santé au sein de Ladapt, à Lyon. Depuis 2022, l’association a choisi d’adapter à chaque personne handicapée son accompagnement vers l’insertion sociale et professionnelle, en utilisant les bienfaits du sport.
Exit les Powerpoint ! En lieu et place, l’association a imaginé des ateliers collectifs avec un jeu de plateau, questionnant les freins et les croyances limitant l’accès au sport. « Les personnes partent de là où elles en sont. Le but est de les aider à cheminer dans leur réflexion et sur les objectifs qu’elles souhaitent atteindre. »
Points de vigilance
Pendant six mois, un temps de rendez-vous individuel hebdomadaire permet de faire le point sur leurs avancées vers une pratique régulière. « Certains peuvent être tout feu tout flamme, puis abandonner leur motivation en chemin car des douleurs réapparaissent et que cela devient compliqué à gérer », souligne la professionnelle.
Par exemple, une personne atteinte de lésions cérébrales a exprimé son souhait d’intégrer un club de football. Agnès Troncy a recherché la structure et assuré la liaison avec les responsables pour faciliter son intégration. « Je suis là pour souligner les points de vigilance, notamment de fatigabilité, que l’entraîneur doit avoir, sans rien dévoiler de son handicap », ajoute-t-elle. Ce quasi sur-mesure permet aux personnes accompagnées de rester motivées et de trouver l’activité qui leur convient parfaitement.
Une chienne pour renforcer sa motivation
« Je vois l’activité physique et sportive comme une occasion de partager un moment de convivialité », glisse Benjamin Barrat, éducateur sportif au sein de la maison d’accueil spécialisée (MAS) et du foyer d’accueil médicalisé (FAM) Anaïs, à Jouy-le-Moutier (Val-dOise). Deux structures qui encouragent leurs résidents à pratiquer le sport sans en avoir l’air.
Pour ce faire, le professionnel mise au maximum sur une approche ludique et personnalisée. L’objectif : répondre aux besoins moteurs spécifiques de chacun tout en suscitant son intérêt… mine de rien. Sa technique : contourner les « je ne veux pas faire, c’est fatigant » par des propositions qui font diversion. « Par exemple, une éducatrice spécialisée m’a sollicité pour l’un des résidents, dit-il. Il avait besoin de reprendre une activité physique pour des raisons de santé, mais il était réticent en raison de sa fatigabilité. ». L’idée a donc été de passer par Sonate, une chienne d’assistance prêtée par l’association Handi’chiens, afin d’accompagner les résidents dans leurs activités quotidiennes.
Créer du lien
« Sonate est une excellente source de motivation pour faire bouger ce résident », poursuit Benjamin Barrat. Le fait de le faire passer de son fauteuil électrique au fauteuil roulant a agi sur lui de manière significative. « Il a pu améliorer ainsi ses capacités motrices, son endurance, la façon de se tenir, tout en créant du lien avec les gens qui s’arrêtent pour discuter avec lui », constate l’éducateur sportif.
Des rendez-vous hebdomadaires de sport collectif sont aussi programmés avec le ToverTafel, un dispositif de projections lumineuses interactives permettant une amplitude de mouvement, même lorsque celui-ci est limité. Ou grâce à la boccia, cousine de la pétanque, sport paralympique conçu spécialement pour les personnes ayant un handicap physique sévère, et notamment des troubles moteurs. Pour Benjamin Barrat, tout est prétexte pour faire du sport : « Le secret : chaque session doit être stimulante et amusante. Les résidents doivent pouvoir faire ce qui leur plaît, en priorité ! »
>>> Retrouvez ici l'intégralité de notre enquête :
Sport adapté, cap ou pas cap ? (1/5)
Des sans abri aux quartiers prioritaires, les vertus du sport (2/5)