Recevoir la newsletter

Des sans abri aux quartiers prioritaires, les vertus du sport (2/5)

Article réservé aux abonnés

L’association Kabubu allie sport et inclusion.

Crédit photo DR
[ENQUÊTE] Aux quatre coins de l'Hexagone, des professionnels développent des programme sportifs visant l'insertion sociale ou professionnelle. Second volet de notre enquête, avec des initiatives glanées à Paris, auprès des réfugiés, à Reims au sein de la Fondation Abbé Pierre et dans les quartiers prioritaires d'Aurillac. 

A Paris, Kabubu entretient la flamme des exilés

L’association Kabubu (« l’amitié par le sport », en swahili) est en quelque sorte une enfant de Paris 2024. Si la structure a grandi depuis sa création en 2018, elle est née d’une réflexion sur l’héritage des Jeux. Phosphorant dans le cadre d’un concours privé, ses futurs cofondateurs ont voulu lier sport et inclusion des exilés. Son activité a débuté à Paris avant d’essaimer à Lyon et à Strasbourg.

Chaque jour, l’association propose des séances de sport (1 000 l’an dernier) mêlant les exilés aux populations locales sans distinction de statut. Certaines sessions sont ouvertes à tous, d’autres se pratiquent en mixité choisie. On s’y inscrit sans obligation d’assiduité. Basket, skate, taekwondo, vélo, pilate… De l’individuel au collectif, de l’art martial aux cultures urbaines, en passant par les pratiques douces, tous les goûts et les besoins ont droit de cité. L’an dernier, plus de 4 000 personnes – dont 60 % d’exilés – ont ainsi participé à une ou plusieurs séances.
 

Méthodologie inclusive

Le cadre se veut convivial : une photo prise au début et une autre à la fin de la séance, une présentation en cercle pour connaître au moins le prénom des participants du jour, des petites attentions comme ces buts que l’on célèbre… « Nous sommes là pour passer un bon moment, pas pour la compétition », explique Stéphane Oyono, responsable de la communication.

Aussi les éducateurs sportifs adoptent-ils une méthodologie inclusive. « Si l’on ne veille pas au public qu’on a en face de nous, le sport peut vite devenir discriminant, justifie le salarié. Pour être compris de tous, nous transmettons les consignes en plusieurs langues. On a l’habitude aussi d’évaluer le niveau des personnes pour adapter la pratique, équilibrer les groupes et faire en sorte que les écarts entre les uns et les autres ne se ressentent pas trop. »

Lire aussi : Comment accompagner autrement les migrantes (1/8)

Quelle que soit la formule choisie, les bienfaits sont légion : « On crée du lien en étant tous sur un pied d’égalité, cadres, chefs d’entreprise comme demandeurs d’asile, explique Stéphane Oyono. Un lien qui renverse parfois le rapport aidant-aidé, lorsqu’un exilé montre tel ou tel geste sportif ou partage des éléments de sa culture. C’est aussi une bulle de respiration qui permet de déconnecter du stress pour obtenir le statut de réfugiés. On voit comment les participants se sentent mieux dans leur corps. Et comment, notamment à travers nos programmes pour les femmes, elles reprennent confiance dans leur capacité d’agir. »

Ceux qui, parmi les bénéficiaires de la protection internationale, souhaitent aller plus loin peuvent s’inscrire à des programmes de formation certifiés Qualiopi. Objectif : devenir surveillant de baignade ou sauveteur aquatique, obtenir une préqualification d’animateur ou d’éducateur sportif, apprendre le français à travers le sport, etc. Des chargés d’accompagnement social et professionnel interviennent pour lever les freins au bon déroulement de leur parcours.

Puisqu’il est un tremplin à l’inclusion, Kabubu s’adresse aussi à la société d’accueil. A travers sa « Fresque de la migration » qu’elle propose en partenariat avec Singa à des associations ou des entreprises, l’association s’aventure sur le terrain de la sensibilisation à l’exil. La boucle est bouclée. Reste à entretenir la flamme, une fois retombée la fièvre des Jeux.
 

A Reims, l’accueil de jour offre « de l’énergie à réinvestir »

Football, remise en forme, sport d’opposition, renforcement musculaire, piscine, tennis de table… A la Boutique solidarité de la Fondation Abbé-Pierre, à Reims, les propositions d’activités physiques se succèdent du lundi au vendredi, presque sans interruption. On pourrait se croire dans un club. On est dans un accueil de jour qui a reçu l’an dernier plus de 1 200 personnes précaires, pour la plupart sans domicile fixe.

Fait rarissime : l’établissement dispose non seulement de deux éducateurs sportifs – sans compter le directeur de l’établissement, qui a occupé la même fonction avant de prendre du galon –, mais aussi d’une salle de sport et d’un espace extérieur aménagé avec des sacs de frappe, des chaises romaines et des anneaux.

« Nous nous sommes aperçus que le sport avait trois vertus en particulier, explique l’éducateur sportif Bertrand Loc-Tave. Il permet de créer un contact plus facile avec les personnes et de les orienter ensuite vers nos collègues éducateurs spécialisés s’ils ont besoin d’effectuer des démarches. Il offre ensuite la possibilité à ceux qui se sentent isolés de rencontrer d’autres personnes, de se défouler et de se vider la tête. Enfin, il est un moyen de faire un bilan de l’état de santé des pratiquants. »

Sur le même sujet : L’accueil de jour vu par la Fondation Abbé-Pierre

Le dispositif n’est pas pour déplaire à Pierrick. Il fréquente l’accueil de jour depuis une vingtaine d’années. Et depuis deux ans, il ne quitte plus la salle. « Le sport, c’est de l’énergie à réinvestir dans tous les domaines, estime-t-il. On ne développe pas seulement des qualités physiques, on s’astreint à une discipline, à des règles… C’est un investissement personnel qu’on peut transposer pour aller vers l’insertion, la santé… »

Pour cet homme de 41 ans, le sport a été salvateur : il lui a permis de décrocher de l’alcool, lorsqu’il a intégré un appartement après cinq à six ans de rue. « Après une cure, on a tendance à reprendre rapidement ses mauvaises habitudes. Le sport est un excellent moyen de substitution aux addictions, parce qu’il nous sort de la routine. »
 

A Aurillac, la prév’ mobilisée contre la sédentarité

L’opération Quartiers d’été existe depuis 2020, lorsqu’au lendemain du premier confinement, le gouvernement a souhaité renforcer les activités proposées dans les quartiers prioritaires de la ville. Cette année, le dispositif rempile pour une quatrième saison teintée d’une coloration sportive de circonstance. Et, une fois de plus, l’association Accent jeunes, à Aurillac, a répondu présent. Elle flèchera ses propositions vers la découverte de l’athlétisme et du handisport, avec un atelier de cécifoot réalisé avec l’Adapei.

« Cette journée phare, le 20 juillet, trouvera des prolongements tout au long de l’été, avec une multitude d’actions et de propositions », explique la directrice, Nathalie Jimenez. L’association, qui s’inscrit dans les orientations nationales « Bouge 30 minutes par jour », entend lutter contre la sédentarité des jeunes. Mais le sport renferme bien d’autres vertus. « C’est un superbe outil pour créer du lien avec les jeunes et poser des actions éducatives », explique Morgan Lamanilève, chef du service prévention spécialisée. Un très bon moyen, poursuit sa collègue, « pour travailler le “savoir être”, le respect des règles, l’esprit d’équipe » ainsi que « la relation au corps, avec des jeunes qui sont parfois mal dans leur peau ».

Sur le même sujet : L’insertion sous conditions

Chaque événement est l’occasion d’impliquer les partenaires du quartier. Comme ce tournoi de foot organisé début juillet. Il réunit neuf associations, dont Forum réfugiés, Aurore et L’Ecole de la 2e chance, ainsi qu’une centaine de participants : des jeunes des quartiers qui se mêlent aux mineurs non accompagnés et aux demandeurs d’asile. S’il constitue un outil parmi d’autres, le sport tient une place de choix pour favoriser la rencontre, qu’il soit interculturel ou intergénérationnel.


>>> Retrouvez ici l'intégralité de notre enquête :

Sport adapté, cap ou pas cap ? (1/5)

Du polyhandicap à l'autisme, à chacun son sport (3/5)

Cheval et jeu de plateau pour favoriser l'accès au sport (4/5)

« Le sport est un outil à manier avec prudence » (5/5)

Insertion

Société

S'abonner
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client 01.40.05.23.15

par mail

Recruteurs

Rendez-vous sur votre espace recruteur.

Espace recruteur