Accélérer et soutenir financièrement les populations de Mayotte. Telle est l’ambition du projet de loi d’urgence pour Mayotte dont l’examen en séance publique au Sénat est prévu le 3 février 2025.
Avec 39 morts et plus de 4 000 blessés, les conséquences du passage du cyclone Chido sur l’archipel de Mayotte le 14 décembre dernier se révèlent lourdes sur le plan humain. Mais laissent également la population dans une situation économique et financière sinistrée. Les trois quarts des bâtiments ont en effet été touchés par la catastrophe, pour un coût total des dommages évalué à 2 milliards d’euros.
Situation déjà dégradée
S’y ajoute le contexte préalable : la situation de Mayotte est de longue date structurellement dégradée sur les plans de l’accès au logement et aux services publics. Ce qui exacerbe le sentiment d’abandon et de défiance de la population à l’égard de l’Etat.
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Pour répondre aux défis titanesques et dans un souci d’accélération des démarches de reconstruction du département, le projet de loi d’urgence pour Mayotte a été déposé en procédure accélérée le 8 janvier. Présentée par Manuel Valls, ministre des Outre-mer, le document mise sur trois phases :
1. Sauver
Une réponse est apportée par les mesures et les dispositifs d’urgence mis en application par le gouvernement depuis la catastrophe.
2. Reconstruire
La reconstruction intervient au travers d’adaptations prévues par le projet de loi. Les règles d’urbanisme et d’aménagement pour accélérer la commande publique ou les mesures économiques et sociales pour soutenir les acteurs sont autant d’exemples de mesures prévues.
3. Refonder
Là aussi, l’Etat mise sur la vitesse. Selon le ministre des Outre-mer, l’aboutissement de la loi de programmation de Mayotte interviendrait en trois mois.
Intégration des élus locaux
« Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il faut reconstruire vite mais aussi reconstruire mieux et adapter les outils à une réalité de Mayotte pour jeter les bases d’une reconstruction qui se poursuivra après dans le projet de loi de programmation de Mayotte », rappelle Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy (LR) et rapporteure générale pour la commission des affaires économiques du Sénat, à l’occasion d’une conférence de presse organisée le 29 janvier à la suite de l’examen en commission du projet de loi.
Après un séjour sur l’île, celle qui est aussi présidente de la délégation sénatoriale aux Outre-mer rappelle l’importance de rassurer et d’intégrer les élus locaux au projet de reconstruction. Une coopération qui n’avait pas été pensée ni prévue par le projet de loi initial.
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Autre fait rapporté : les structures modulaires mises en place par l’Etat pour faire face à l’urgence démographique n’ont jamais été remplacées par des solutions pérennes. Ce qui renforce les inquiétudes d’une population traumatisée. « Les angoisses se portent aussi sur la démultiplication des hébergements d’urgence qui pourrait créer un appel d’air, souligne Micheline Jacques. Depuis le cyclone, la crise migratoire s’est accentuée. Chaque jour entre 20 et 70 réfugiés arrivent à Mayotte et demandent l’asile politique. » Sans compter, par exemple, que le fait que les établissements scolaires soient réquisitionnés pour accueillir temporairement les populations migrantes renforce les tensions présentes sur place.
La lutte contre les bidonvilles s’inscrit également comme un enjeu primordial, ces lieux de vie informels ayant concentré de nombreux décès et traumatismes au moment du passage du cyclone. Parmi les mesures préfectorales, un arrêté tend à réglementer la vente de taule. « Cet arrêté a fait l’objet de recours devant le tribunal et nous avons décidé de le renforcer en l’inscrivant à l’article 4bis de ce projet de loi, de manière à mieux réglementer et à éviter de remettre ces objets tranchants. Il faut rappeler que Mayotte est toujours en période cyclonique et qu’après Chido, il y a eu un deuxième événement très pluvieux », poursuit la sénatrice. Actuellement et malgré la législation, les reconstructions de ces lieux après destruction s’effectuent en 24 heures. Ce qui témoigne des besoins de mise à l’abri sur place.
« Eviter l’exacerbation de crise la sociale »
Sur le plan social, les choix sont posés. « Nous avons soutenu des dérogations au droit commun pour éviter l’exacerbation de la crise sociale et économique, indique Christine Bonfanti-Dossat, sénatrice du Lot-et-Garonne (LR) et membre de la commission des affaires sociales. Nous avons à cœur de soutenir la reprise de l’activité économique, en épaulant les Mahorais au plus proche de leurs besoins, tout en étant conscients du caractère d’urgence conféré à ce texte dont les mesures portées sont limitées dans le temps. Je rappelle que c’est une loi qui règle l’urgence. »
Ainsi, le ton est donné. Mais en clair, ces propos visent des dispositifs de soutien aux entreprises avec une suspension du recouvrement des subventions, la mise en place d’activités partielles et le financement de mesures sociales visant à éviter d’aggraver la situation de pauvreté. Le renouvellement automatique des droits à prestations sociales et des aides sociales apportées à certains travailleurs indépendants constituent certaines de ces dispositions. « Ces solutions permettent beaucoup plus de souplesse pour apprécier les situations au cas par cas. Car nous avons appris hier que s’agissant des entreprises de restauration et des entreprises de construction, 80 % d’entre elles avaient repris leur activité », assure la sénatrice du Lot-et-Garonne.
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Si la date butoir de ces mesures est prévue le 31 mars, elle pourra toutefois se voir renouvelée par décret jusqu’au 31 décembre 2025. La prochaine commission mixte paritaire devrait, quant à elle, se tenir le 10 février.
Pour rappel, 77 % des Mahorais vivent sous le seuil de pauvreté, et l’archipel concentre 37 % de chômage.
>> Retrouvez l’intégralité du projet de loi d’urgence pour Mayotte
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