Au printemps 2019, la métropole lilloise comptait 2 830 personnes sans domicile fixe. Certaines sont sans abri, d’autres vivent hors de tout logement stable, sur des terrains ou dans des squats. Le Samu social de Lille est au deuxième rang des appels, après le service francilien. Ces enseignements quantitatifs proviennent d’une étude rendue publique en novembre dernier par l’Agence de développement et d’urbanisme de Lille Métropole. Laquelle renseigne également sur le profil de ces publics et mentionne la forte proportion d’hommes et de femmes d’origine étrangère. Plus de six sur dix sont demandeurs d’asile. Selon les auteurs du recensement, cette situation s’explique par la position géographique de Lille, au carrefour de l’Europe, entre Paris, la Belgique, les Pays-Bas, l’Angleterre et l’Allemagne.
Pour soutenir cette population en difficulté, en novembre dernier, lors de la veille saisonnière, 400 places avaient été ouvertes dans cinq organisations, dont 60 places à la Sauvegarde du Nord, lieu d’hébergement et de logement dirigé par Jean-Yves Bourel, par ailleurs administrateur du SIAO (service intégré d’accueil et d’orientation) de Lille Métropole. Pas de quoi héberger les quelque 500 personnes qui vivent là en permanence à la rue, observe Jean-Yves Bourel. Et, comme ailleurs en France, pendant ce printemps confiné et la crise sanitaire, de nouvelles places ont été ouvertes à Lille (200 précisément) en plus de celles disponibles pendant l’hiver.
A la veille du 10 juillet et de la fin de l’état d’urgence, Jean-Yves Bourel affiche son inquiétude, tout à fait en lien avec le contexte particulier de sa région. Il redoute une inégalité de traitement entre ceux qu’il présente comme les « sans droits ni titre » et les autres, dont la situation administrative a pu être régularisée : « Quand tout se passe bien, quand les enfants sont scolarisés, etc., en moyenne, il faut cinq ans pour voir sa situation régularisée. Et en attendant, difficile pour les travailleurs sociaux d’entreprendre un vrai parcours d’accompagnement social et d’insertion. » Résultat : ces personnes fragiles entre toutes risquent en premier lieu de se retrouver à la rue à la fin de l’état d’urgence.
A quelques jours du 10 juillet, selon les décomptes de Jean-Yves Bourel, 160 personnes pourraient affronter cette situation et se retrouver sans solution d’hébergement, dont 100 % de personnes sans papiers. Pour les autres, il prévoyait que des structures resteront ouvertes et que les associations comme la sienne pratiqueront une suroccupation de leurs dispositifs pour compenser les places disparues avec la fermeture des hôtels ou de l’auberge de jeunesse de Lille, réquisitionnés pendant le confinement. Pour cela, elles financeraient des logements supplémentaires sans subvention complémentaire, en somme, à leurs frais.
En dépit de ce contexte difficile, Jean-Yves Bourel estime que le travail des associations avec les représentants de l’Etat (direction départementale de la cohésion sociale, préfecture) s’est « mieux passé que d’habitude » et qu’il a permis de « fluidifier » les parcours, tant des entrants dans des dispositifs d’hébergement que de ceux qui pouvaient les quitter pour gagner un logement social. Même si, à Lille comme dans les autres grandes métropoles de l’hexagone, les logements sociaux font défaut, en particulier les studios et les T4 et T5, fait observer Jean-Yves Bourel.