« Je me sens étouffée. J’ai pas beaucoup d’espace pour dépenser mon énergie, donc je suis vite en colère. » Publié le 10 octobre par l’Unicef et le Samusocial de Paris, le rapport « Grandir sans chez-soi » entend mettre en lumière les effets de la précarité résidentielle sur la santé mentale des enfants. En s’appuyant sur le retour d’expérience des professionnels de terrain, les témoignages d’enfants sans domicile accompagnés par le Samusocial de Paris ainsi que des publications précédentes, les deux associations passent en revue les différentes façons dont l’absence de logement impacte les jeunes.
Premier constat : le lieu de vie ne constitue pas l’endroit protecteur et sécurisant qu’il est censé représenter. L’exposition aux intempéries et les importants écarts de température auxquels doivent faire face les jeunes hébergés à l’hôtel ou en centre d’hébergement d’urgence (CHU) affectent, par exemple, fortement la qualité de leur sommeil. Leurs nuits sont également troublées par le surpeuplement et le bruit des endroits où ils résident. Or « le manque de sommeil peut avoir sur les enfants des conséquences bien plus graves que chez les adultes : il entrave la croissance, du fait que les hormones de croissance sont sécrétées la nuit, et perturbe la maturation de leur système nerveux et le développement de leur mémoire. Il influe sur leur comportement et leur capacité à contrôler leurs émotions. »
« Promiscuité permanente »
Les conditions matérielles dégradées et l’insalubrité des lieux de vie représentent, elles aussi, des facteurs d’anxiété. « L’absence d’eau chaude, de sanitaires privatifs ou leur utilisation par des adultes de façon inappropriée (usage de drogue, relations sexuelles) peut devenir une source d’angoisse pour les enfants », expliquent les auteurs. Dans le même sens, la « promiscuité permanente » pour les familles hébergées est source de tensions et rend difficile la cohabitation. Cela peut parfois conduire à de la maltraitance et des violences intrafamiliales.
L’insécurité alimentaire joue également un rôle crucial. En plus des difficultés financières pour accéder à une alimentation de qualité et de l’absence d’endroit pour cuisiner dans les CHU et les hôtels sociaux, les enfants manquent souvent d’espace pour manger leur repas. « Cette situation est source d’inconfort pour les familles et les enfants, qui ne peuvent pas se nourrir convenablement. » Enfin, alors que l’école représente une clé dans le développement psychique de l’enfant, les jeunes sans domicile, pour qui il s’agit également d’un « point d’ancrage » essentiel, se heurtent à de grandes difficultés pour y accéder et s’inscrire dans une continuité scolaire.
Un coup de projecteur est mis sur la situation des mineurs non accompagnés (MNA), dont le parcours migratoire et le vécu dans le pays d’origine sont bien souvent ponctués d’expériences traumatiques (guerre, perte de proches, violences, catastrophes naturelles…). « Aux multiples traumatismes déjà subis s’ajoutent les conditions d’accueil en France, souvent très précaires et pouvant induire des conditions de vie extrêmement dégradées, voire déshumanisantes. Ces conditions d’accueil mettent en péril leur santé mentale, détaille le rapport. Des études ont ainsi démontré que le syndrome de stress post-traumatique et la dépression sont aggravés, voire provoqués par les conditions d’accueil difficiles réservées aux personnes migrantes. »
Discontinuité de la prise en charge
Autre constat : ces enfants font face à de nombreuses difficultés pour accéder aux soins. La baisse du nombre de professionnels exerçant la pédopsychiatrie sur le territoire, le manque d’actions de prévention et de structures dédiées représentent de premiers obstacles, mais ce n’est pas tout. Les jeunes sans domicile du fait de leur instabilité résidentielle pâtissent de ruptures dans le parcours de prise en charge. Pour d’évidentes raisons financières, il leur est également extrêmement compliqué d’accéder aux alternatives de soins dans le secteur privé.
L’Unicef et le Samusocial de Paris appellent ainsi les pouvoirs publics à renforcer les moyens de la protection maternelle infantile, à recruter davantage de psychologues scolaires et à développer le travail de prévention hors les murs. Pour permettre davantage de stabilité aux familles, le rapport demande par ailleurs « une transformation de l’offre actuelle de nuitées hôtelières, et plus globalement d’hébergement d’urgence, en places d’hébergement adaptées ». Il est enfin recommandé d’interdire les expulsions des squats ou bidonvilles si aucune solution de relogement durable n’est trouvée.
À l’occasion de la #JournéeMondialeDeLaSantéMentale, @UNICEF_france et @SamusocialParis alertent sur la #santémentale des enfants sans domicile, mise en péril par l’exclusion liée au #logement. https://t.co/GufrH8cC92 @SantePubliqueFr #DansMaTête #PourChaqueEnfant pic.twitter.com/aRuU976KcX
— UNICEF France (@UNICEF_france) October 10, 2022