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"Un détour en famille", un outil pour libérer la parole de l'enfant

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Crédit photo Pavo
Imaginé par deux travailleuses sociales, ce support pour mener des entretiens, aide les enfants suivis par la protection de l’enfance à mieux décrypter leur situation.

C’est un épais et imposant livre de 40 sur 32 cm, orné d’une poignée et fermé par une lanière de cuir. Un bel objet à la couverture parée d’un tissu, sur laquelle de petits personnages brodés se côtoient, surplombant le titre à l’élégante typographie : « Un détour en famille ». Imaginé par Anne Chaynes, assistante sociale, et Catherine Bourduge, éducatrice fraichement retraitée, ex-collègues à la PJJ, cet outil d’entretien destiné à faciliter les échanges avec les enfants suivis par la protection de l’enfance ne doit pas son esthétique au hasard. « Agréable à utiliser, c’est aussi un livre lourd comme l’est le moment d’entretien, pour les professionnels comme les mineurs, décrypte Anne Chaynes. La prise en main conséquente aide l’enfant à prendre conscience qu’il vit un moment important. »
 

Mettre l’enfant à l’aise

Un matériel conçu à l’origine pour l’usage propre des deux professionnelles, notamment dans le cadre de mesures judiciaires d’investigations éducatives ou d’informations pré­occupantes, afin de lutter contre une frustration profonde : ne pas réussir à délester les mineurs du poids d’un échange anxiogène et lourd de conséquence. « S’entretenir avec un enfant est la chose la plus compliquée qui soit. Nous avions l’impression de mettre à mal les enfants, de leur ajouter de la pression sans pour autant recueillir réellement leur parole », se souvient Catherine Bourduge. Potentiellement efficace, l’utilisation du jeu ne leur convenait pas davantage. « Il nous fallait un outil ludique pour mettre à l’aise l’enfant, mais spécifiquement dédié à cette discussion », insiste Anne Chaynes.

Idéalement mené par deux personnes, « l’une chargée d’interagir avec l’enfant pendant que l’autre observe », le dispositif se décompose en plusieurs étapes. L’enfant commence par choisir parmi les personnages aimantés répartis dans le livre, puis les place sur un tableau. Le principe : représenter la dynamique familiale. Premier apport, le procédé remplace un face à face aux allures d’interrogatoire par un « côte à côte » moins angoissant, où la personne doit seulement mettre en scène et expliciter son quotidien. Deuxième atout, obligée de se déplacer pour atteindre le tableau, elle développe un langage corporel utile au décryptage des situations. Autre avantage, en construisant son récit de vie, la méthode lui permet de mieux identifier le fonctionnement de sa famille. « Il est réconfortant pour l’enfant de voir que son univers ne se réduit pas à des événements négatifs, de trouver des éléments et des personnes ressources qu’on n’imaginait parfois pas, analyse l’ancienne éducatrice. Souvent perdu dans ce qu’il vit, il peut visualiser ce qui est normal ou non. » Enfin, débarrassé des conflits de loyauté ou du risque d’être sanctionné parce qu’il a enfreint les interdits verbaux de ses parents, l’enfant est soulagé.
 

Pour tout type de profil

Vient ensuite le moment des magnets. Loisirs, équipements, vêtements, animaux, émotions… les représentations aimantées permettent d’aborder le quotidien des enfants. Charge aux professionnels d’en sélectionner une douzaine, mélange d’éléments anodins et plus complexes comme la violence, l’addiction ou la radicalisation. Introduits dans un petit sac de toile, ils sont piochés à tour de rôle par les deux adultes et l’enfant. « Cela dé­responsabilise l’enfant puisque c’est le hasard qui décide, et qu’il n’est pas le seul à piocher », juge Catherine Bourduge.

L’outil s’avère efficace pour tout type de profil. A l’image de cette fillette qui après de nombreuses séances de révélations contradictoires s’est félicitée : « Sans ça, j’aurais encore menti. » Ou de ce petit garçon qui en piochant un magnet pistolet le positionne subitement sur son beau-père soupçonné de violence envers sa mère : « Lui, il faut le tuer. ».

Imprimé à une centaine d’exemplaires, Un détour en famille est utilisé par des structures variées, départements, PJJ, Unaped (unité d’accueil pédiatrique enfants en danger). Comme celle d’Hélène Van Hove, référente laïcité à la PJJ : « Certaines problématiques ne sont pas évidentes à évoquer avec des mots. Cet outil est un facilitateur. Être partie prenante l’aide à devenir acteur de la prise en charge. » Même les objets évités apportent des hypothèses de travail. « On recueille toujours plus de matière dans un face à face classique », assure Catherine Bourduge.

 

>>> Le site de "Un détour en famille"

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