Côté victime, le caractère intime et dégradant des violences, les sentiments ressentis (honte, culpabilité) et les liens avec l’agresseur (souvent un proche) rendent la révélation encore plus difficile. D’autant plus que le mode opératoire suivi par l’auteur des faits (isolement, inversion de la culpabilité, dévalorisation, imposition du silence, mise en place de l’impunité…) suppose d’être déconstruit avant tout dévoilement.
Côté professionnel, le choc provoqué et les représentations personnelles peuvent, malgré l’expertise, entraîner des réactions inhabituelles et incontrôlées. En cas de déclaration spontanée lors d’une activité, dans un lieu collectif ou devant des témoins, mieux vaut, après avoir clairement signifié à l’enfant qu’on l’a entendu, proposer un rendez-vous dans un lieu adapté, le temps d’assimiler l’information. Il s’agit aussi de répondre aux besoins fondamentaux de l’enfant mis à mal par la maltraitance, à savoir exprimer ses émotions, se sentir en sécurité et soutenu. L’entretien constitue la première étape vers la reconstruction de la victime : son bon déroulement peut, effet, réduire les conséquences de ce qu’elle a enduré.
Les mots à dire
Certaines phrases peuvent aider à mettre l’enfant en confiance et réduire les conséquences néfastes de son agression :
- Tu es courageux de me dire tout cela.
- Tu as bien fait de m’en parler.
- Ton père/ton frère/ton cousin… n’a pas le droit de te faire ça.
- Ce que ton père/ton frère/ton cousin… a fait s’appelle de la violence.
- L a violence n’est pas ta faute.
- La loi interdit et punit les violences.
- Il existe des personnes qui peuvent t’aider.
- Tu peux téléphoner au 119, c’est un numéro gratuit pour les enfants. Tu pourras parler de ce qui t’arrive. Tu peux aussi écrire au 119 par le biais du tchat en ligne.
Les mots à ne pas dire
D’autres formules sont à proscrire pour ne pas engendrer des attitudes négatives de la part de la victime :
- Ce n’est pas grave.
- Je vais garder ton secret.
- Je n’en parlerai à personne, ça restera entre toi et moi.
- Tout va s’arranger.
- Ton père/ton frère/ ton cousin… est un malade.
- As-tu fait quelque chose ou portais-tu une tenue qui lui a donné de mauvaises idées ?
- Tu ne sais pas mettre tes chaussures, comment pourrais-tu savoir que quelqu’un t’a fait mal ?
- Ce n’est pas grave, il est jeune et déficient, il va oublier.
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Les dix règles à suivre
1. Rencontrez la victime dans un endroit apaisant et confidentiel.
2. Parlez-lui d’un ton calme et rassurant.
3. Rompez le silence grâce à des questions ouvertes pour l’encourager à révéler les violences qu’elle a endurées.
4. Donnez la parole à l’enfant, laissez-le s’exprimer jusqu’au bout, écoutez-le attentivement et avec respect, pour lui montrer que vous prenez sa parole en considération.
5. Félicitez-le d’avoir révélé les violences, dites-lui que vous le croyez.
6. Restez factuel sans interpréter son discours : ne jugez pas, ne banalisez pas, ne minimisez pas ses déclarations.
7. Déculpabilisez la victime en lui rappelant qu’elle n’est pour rien dans ce qui est arrivé, que l’unique responsable est l’agresseur, et que rien ne justifie la violence.
8. Rappelez à l’enfant que ce qu’il a subi est interdit et puni par la loi, et que son agresseur n’a pas le droit de lui imposer le secret. Informez-le qu’il est possible de sortir de la violence et que des mesures pour le protéger existent.
9. Demandez à l’enfant s’il est encore en contact avec son agresseur, afin d’évaluer l’urgence et le danger de la situation.
10. Identifiez ensemble les personnes relais susceptibles de l’aider dans son cheminement et informez l’enfant des démarches que vous allez entreprendre pour l’aider.
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