Chaque fois, le mode opératoire est le même. Quelques bénévoles, des stickers roses au slogan accrocheur : « L’éducation affective et sexuelle, c’est ton droit ! » prêts à être collés sur les grilles d’un collège ou un lycée, et le tour est joué ! S’ensuivent à coup sûr des regards curieux d’élèves et d’enseignants. Tel est justement l’effet recherché par l’association Mouv’Enfants, destinée à lutter contre toutes les formes de violence faites aux enfants, qui milite pour un meilleur respect du programme d’éducation affective et sexuelle (EAS) à travers la France.
Si cette loi, qui inscrit l’obligation d’une éducation à la sexualité à raison de trois séances annuelles dans les écoles, collèges et lycées, date de 2001, elle est dans les faits très peu mise en oeuvre. « Certains établissements scolaires ont quand même fait appel à des associations pour animer ces échanges, mais les disparités sont immenses selon les territoires », précise Nathalie Mathieu, coprésidente de la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) jusqu’en 2023.
Mais ils restent bien rares. « En cette nouvelle année, nous faisons le vœu de passer de 15 % d’enfants qui bénéficient de cette éducation à 100 %. Cela serait quand même bien que la loi Evars soit enfin appliquée, fustige Arnaud Gallais, ancien membre de la Ciivise 1, cofondateur et président de Mouv'Enfants créée en octobre 2023. Pendant ce temps-là, on perd du temps. Faut-il rappeler que toutes les trois minutes, un enfant est victime d’agression sexuelle. A un moment donné il faut être sérieux ! » Lui qui a été victime d’abus sexuels dans son enfance reste « convaincu que si j’avais eu cette éducation à l’école, cela m’aurait permis de comprendre que ce que je vivais n’était pas normal ». Un avis que partage entièrement l’ex-présidente de la Ciivise, qui estime aussi que l’absence de sensibilisation renforce la vulnérabilité des enfants. « Ces séances leur permettent d’avoir une meilleure connaissance de leur corps, du corps de l’autre et de ce qui est interdit de faire ou pas. Par manque d’informations, beaucoup de victimes s’ignorent alors que ces temps d’échange sont souvent l’occasion pour elles de comprendre et de révéler ce qu’elles ont vécu », constate Nathalie Mathieu.
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Calendes grecs
Des avancées ont pourtant eu lieu dernièrement. En 2023, le ministre de l’Education nationale alors en place, Pap Ndiaye, chargeait le conseil supérieur des programmes d’élaborer un contenu pédagogique scolaire sur l’éducation à la vie affective et à la sexualité pour chaque niveau d’enseignement, donnant lieu à une première mouture en mars 2024 et une seconde, plus complète, mi-novembre dernier.
Chez les petits, il s’agit de connaître son corps et d’avoir conscience de l’intimité, puis d’identifier les situations de danger. Au CE2, la notion de consentement fait son apparition. Puis, à partir du CM1, sont abordés le harcèlement, la puberté. En CM2, les enfants apprennent à repérer les violences sexistes et sexuelles pour s’en protéger.
A partir du collège, le programme met l’accent sur la sexualité, l’orientation sexuelle, la santé, ainsi que les mécanismes d’emprise et l’intimité à l’ère des réseaux sociaux. Problème : l’application de ce programme, initialement prévue à la rentrée scolaire 2024, a été retardée sans que sa mise en œuvre ne soit pour le moment confirmée.
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Proies faciles
Si l’école s’avère souvent un lieu idéal pour libérer ce genre d’informations, il ne doit pas être le seul, en particulier pour les enfants placés ou en situation de handicap, plus exposés que les autres aux différentes formes de violences, dont les violences sexuelles. « Pour nous, ces enfants devraient être prioritaires dans ces programmes. Comment les institutions qui les accueillent s’emparent-elles de cette question et l’intègrent-elles à leur projet d’établissement ? Là encore, c’est très aléatoire selon les structures », détaille le responsable associatif qui plaide pour une obligation de résultats qui obligerait l’employeur à mettre en place des actions face à certains risques sexuels.
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Pour autant, certains établissements s’emparent sérieusement du sujet, faisant intervenir le planning familial, ou des associations spécialisées. Des cursus tels que celui de l’Apradis proposent également de former les travailleurs sociaux en contact avec des enfants et adolescents. « Aujourd’hui, ces initiatives sont malheureusement le fait de personnes dépendantes. Il manque vraiment d’une volonté politique, nationale et départementale pour informer les enfants, aller chercher les victimes, les prendre en charge avec des personnels formés qui agissent », résume Nathalie Mathieu.
Pour l’heure, l’association Mouv’Enfants continue de se mobiliser. D’autres actions devant les collèges et lycées devraient avoir lieu, mais aussi du côté des ITEP (instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques) et des IME (instituts médico-éducatifs), histoire que personne n’ignore que l’éducation affective et sexuelle et l’attention portée aux violences faites aux enfants est un sujet sur lequel on ne badine pas.
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