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L’Union sacrée d’une protection de l’enfance "à bout de souffle"

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ASE collectif des 400 000

Mobilisation historique des acteurs de la protection de l'enfance pour dénoncer les défaillances du sytème, le 25 septembre à Paris. 

Près de 3 000 professionnels de la protection de l’enfance sont venus de tout le pays pour manifester le 25 septembre, à Paris. L'objectif : alerter les pouvoirs publics sur le « délabrement inédit » du secteur, dont les enfants en danger sont les premiers à pâtir.

« On n’a pas d'autre choix que d’être là », assure Damien Scano, directeur général de l’Association départementale de sauvegarde de l’enfant à l’adulte des Alpes-de-Haute-Provence (ADSEA 04). Avec des collègues de sa structure, ils sont une petite équipe à avoir fait le déplacement depuis Digne-les-Bains pour participer à cette manifestation organisée dans la capitale à l’initiative du collectif Les 400 000 (correspondant au nombre d’enfants ayant besoin d’être protégés en France), coordonné par la Convention nationale des acteurs de la protection de l’enfance (Cnape) et qui regroupe 70 organisations. Du jamais-vu.

Le but : tirer la sonnette d’alarme sur l’état de « délabrement inédit » dans lequel se trouve tout le système de la protection de l’enfance dans le pays. « On fonctionne en mode dégradé et c’est dégradant, résume le responsable sur le point de départ de la manifestation, devant les Invalides. Cela envoie un message désastreux aux enfants que l’on accompagne. On hypothèque notre avenir. »

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Nombreux sont les délégations à avoir fait la route en car ou en train depuis les quatre coins du pays jusqu’à la capitale pour alerter les pouvoirs publics. « Il faut ouvrir les yeux aux politiques, qu’ils arrêtent de prendre du Lexomil ! », s’agace Laetitia Zampese, directrice générale de l’ADSEA de l’Oise, venue avec 70 collègues.

 

Mobilisation inédite

Selon les organisateurs, près de 3 000 personnes ont participé à cette mobilisation inédite – la première à rassembler tout le secteur de la protection de l’enfance, peu coutumier de cette pratique militante. Certains exercent depuis moins d’une semaine, d’autres depuis plus de trente ans. Mais tous placent au centre de leurs récits les enfants qu’ils accompagnent. « On ne parle pas d’objets ou de numéros mais d’humains, d’enfants, de personnes vulnérables ! », insiste Carine, venue de Charentes-Maritimes avec ses collègues de l’ADSEA  17.

« On est dans un pays qui ne protège pas ses enfants », renchérit, en colère, Laetitia Zampese. Membre d’un groupe contre le risque prostitutionnel, elle dénonce en particulier la traitre d’êtres humains dont sont victimes nombre de jeunes filles placées à l’aide sociale à l’enfance (ASE).

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Un peu plus loin, Alexandra de l’ADSEA 17 dénonce les longs délais entre une mesure de placement judiciaire et son exécution, même dans des cas d’inceste. Tandis que Valentin Sautjeau, éducateur spécialisé à la fondation Olga Spitzer, constate le manque de moyens dont il dispose en milieu ouvert. « Ce n’est même pas que ça se dégrade d’années en années : ça se compte en mois. Tous les robinets sont fermés. On bricole un peu avec ce qu’on a, c’est-à-dire pas grand-chose. »

Les 400 000 rappellent quelques chiffres de l’année 2023 : plus de 3 000 enfants vivaient à la rue, tandis que 3 350 étaient sur liste d’attente de leur mesure de placement et que 8 000 jeunes, anciens enfants placés, étaient sans domicile fixe.

Des Invalides au Panthéon et malgré la pluie battante, le cortège avance avec des pancartes bleues et jaunes sans ambiguité : « 18 ans et pas d’ailes pour voler – c’est la chute assurée », « Sortir un enfant du danger, c’est sans délai » ou « Educateurs au rabais, enfants en danger ».

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Prises de parole des premiers concernés

Et, tout au long du parcours, des prises de parole se succèdent. Celle de Romain, par exemple, venu de Lille et ancien de l’aide sociale à l’enfance. « On en a marre des dysfonctionnements ! On ne nous écoute pas, c’est un manque de respect pour notre histoire », déplore-t-il. Ou Ethan Girard, qui brandit sa pancarte sous le nez des passants, leur détaillant le pourquoi de cette manifestation. L'ancien mineur confié grimpe sur le camion pour s'emparer du micro « Enfants placés, on est là », fait-il crier aux manifestants. 

Entre les prises de parole, la foule chemine au rythme des klaxons et de comptines pour enfants reformulées. Sur l’air de « Bateau sur l’eau », le défilé entonne un explicite « Familles sous l’eau/Milieu ouvert est presque KO ». La chanson des crocodiles a elle été métamorphosée en celle des « incasables » ballotés de foyers en foyers (Ah ! les ba-lo-lo (bis)/Les ballotages/Chez nous en France, ils sont partout/N’en parlons plus !).

 

Les urgences rappelées

Arrivé devant le Panthéon, le président de la Cnape Didier Tronche conclut la marche en citant Victor Hugo, enterré non loin : « L’enfant, je le répète, c’est l’avenir. » Il rappelle les quatre urgences formulées par le collectif Les 400 000 et qui synthétisent les préoccupations des manifestants : mettre fin aux listes d’attente pour que les mesures judiciaires ordonnées soient exécutées sans délai, réinvestir dans le soutien aux familles en difficulté, remédier au déclassement des travailleurs sociaux et assurer l’accompagnement des jeunes majeurs qui sortent de l’aide sociale à l’enfance.

Comme une dizaine de parlementaires (principalement du Nouveau front populaire), la sénatrice Laurence Rossignol (PS) a elle aussi fait le déplacement. « L’ensemble du secteur n’est pas au bord du gouffre, mais a déjà un pied dedans », assure l’ancienne ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.

Son souhait : que la commission d’enquête de l’Assemblée nationale reprenne ses travaux sur l’ASE. Pas sûr pourtant que ce soit la priorité du nouveau gouvernement, qui n’a pour l’instant pas nommé de ministre chargé de la protection de l’enfance.

Après cette première journée de mobilisation, le collectif Les 400 000 assure pour sa part qu’il ne va pas s’arrêter là et attend une réponse de l’Etat « rapide, durable et à la hauteur des défis actuels ».

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