Après une première journée de grève le 14 août, les quelque 9 000 agents et contractuels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont appelés à une nouvelle journée de mobilisation le 29. Un nouveau débrayage grâce auquel l’Intersyndicale de la profession – qui rassemble le SNPES-PJJ FSU, la CGT PJJ-Justice, l’Interco PJJ-CFDT et l’Unsa SPJJ – espère mettre un coup de pression sur sa direction nationale pour la contraindre à renoncer à sa décision de ne pas renouveler 500 postes de contractuels après le 31 août prochain.
« La première journée de protestation avait donné de bons résultats, malgré les congés d’été. Dans certains territoires, on a même atteint des niveaux de mobilisation égaux à ceux observés pendant la réforme des retraites », se souvient Sébastien Villanova, secrétaire général adjoint de la CGT-PJJ, qui entend bien remettre le couvert à la fin du mois.
"Plusieurs milliers de jeunes privés d'accompagnement"
Il faut dire que pour les professionnels de la PJJ, qui accompagnent au quotidien quelque 130 000 mineurs sous main de justice, l’enjeu est de taille : en annonçant, le 26 juillet dernier, son intention de geler le renouvellement de près de 500 contrats d’éducateurs, de travailleurs sociaux ou de psychologues pour les mois de septembre et d’octobre 2024, la direction nationale de cette administration – qui compte 7 000 agents et 2 000 contractuels – pourrait profondément bouleverser l’organisation des services dès la rentrée. « Un éducateur gère en moyenne 25 jeunes. Avec 500 professionnels en moins durant deux mois, la file d’attente pour leur prise en charge va s’allonger. Plusieurs milliers d’entre eux pourraient se voir privés d’accompagnement », détaille Nouredine Nefra, co-secrétaire national du SNPES-PJJ FSU.
Avec ce gel des renouvellements de contrats annoncés, la direction nationale, dont la trésorerie s’est vue plombée par les restrictions budgétaires ordonnées par Bercy en février dernier, mais aussi par le règlement successif des primes de JO et des « primes 93 » (cette gratification exceptionnelle dont bénéficient ses agents après cinq années de service en Seine-Saint-Denis), espère réaliser une économie comprise entre 1,6 et 1,8 million d’euros sur la période septembre-octobre. Quitte à réembaucher les contractuels délaissés dès novembre…. Sauf que, pour les syndicats, les calculs ne sont pas bons : « Les contractuels ne se nourrissent pas d’espoir, d’autant que certains d’entre eux ne bénéficieront ni de la prime de précarité, ni du chômage. Ils n’attendront pas qu’on les rappelle et iront chercher du travail ailleurs », estime Sébastien Villanova.
Rester dans les clous des injonctions de Bercy
Averti par les syndicats le 4 août dernier, le cabinet d’Eric Dupond-Moretti a pourtant débloqué en urgence une enveloppe de 3 millions d’euros pour permettre à la direction nationale de la PJJ de maintenir ces contrats après le premier septembre. Peine perdue : cette dernière a annoncé entretemps son intention d’affecter ce renfort budgétaire à d’autres pôles de dépenses, justifiant ce choix par sa volonté de rester dans les clous des économies budgétaires exigées par Bercy. Une erreur, à en croire les syndicats : « En montrant qu’elle obéit aux injonctions de l’Etat, Caroline Nisand [directrice nationale de la PJJ] espère s’attirer les bonnes grâces du ministère de l’Economie et des Finances et obtenir des rallonges budgétaires à partir du mois de novembre. Il y a de quoi rester sceptique : faire la preuve qu’on peut travailler autant avec moins de moyens n’est pas la meilleure façon d’obtenir les crédits de Bercy… », grince le représentant cégétiste. Contactée par les ASH, la direction nationale de la PJJ n’a pas donné suite.
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En attendant la mobilisation du 29 août, les couloirs de la PJJ bruissent de rumeurs sur les raisons qui poussent l’Etat à la mettre au régime sec. D’autant que, dans le même temps, les autres administrations dépendantes du ministère de la Justice ne sont pas amenées à se serrer la ceinture. Alors, forcément, les imaginations s’échauffent. Pour certains, ce coup de rabot constitue le signe annonciateur d’une future fusion de la PJJ et du Spip (service pénitentiaire d’insertion et de probation, chargé de l’application des contrôles judiciaires, des levées d’écrou ou du suivi des condamnés sous bracelet électronique), alors que d’autres y voient le spectre d’une réforme de la comparution immédiate des mineurs qui pourrait s’appliquer dès l’âge de 16 ans comme l’avait annoncé Gabriel Attal en mai dernier. « Au final, on ne sait rien des raisons qui animent la direction », soupire Nouredine Nefra. « Peut-être quelque chose se joue-t-il au niveau politique, mais rien n’est clair. Alors, de notre côté, on préfère éviter de prêter le flanc aux hypothèses manipulatoires. »
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