Les enfants élevés dans des maisons plus chères ont moins de problèmes de santé mentale que les autres et sont donc moins susceptibles de souffrir d’anxiété, de mauvaise humeur, tout en étant d’avantage en capacité de s’entendre avec leurs pairs, affirment des chercheurs de l’University College de Londres (UCL). Si le lien entre la richesse globale et le bien-être mental est établi depuis longtemps, les résultats de l’étude mettent en évidence le rôle clé joué par la valeur pécuniaire du foyer familial dans le développement d’un enfant. Pour parvenir à ce résultat, les docteurs Ludovica Gambaro et Vanessa Moulton, du Centre for Longitudinal Studies de l’UCL, ont examiné la gamme d’indicateurs de richesse des familles de 8 500 enfants.
Six familles sur dix étaient propriétaires de leur logement, et l’enquête démontre que les différences de propension aux problèmes de santé mentale relèvent essentiellement de la valeur des habitats, et non d’une « discrimination » entre enfants vivant par exemple dans des maisons privées et ceux vivant en location ou dans des logements sociaux. Ainsi, les enfants élevés dans des foyers d’une valeur de 400 000 livres obtiennent un score moyen de difficultés comportementales et émotionnelles de 6,9, chiffre qui bondit à 8,2 (+ 16 %) pour ceux dont la valeur s’élève à 100 000 livres.
L’impact de l’insécurité financière
Publiés dans la revue Child Development, les résultats de l’étude ont pris en compte tous les facteurs de patrimoine des parents : propriété et valeur de l’appartement ou de la maison, épargne, actions… « Le logement est de loin l’atout le plus important du portefeuille patrimonial des familles avec enfants au Royaume-Uni », décrypte Vanessa Moulton, et « cela explique en partie pourquoi le patrimoine immobilier est plus étroitement associé à la santé mentale des enfants plutôt qu’à la richesse financière ».
Tom Madders, directeur des campagnes de l’association caricative YoungMinds, cité par le quotidien britannique The Guardian, ajoute : « Cette recherche préoccupante montre des liens clairs entre le patrimoine immobilier et la santé mentale. Elle suggère que les enfants qui grandissent avec moins de sécurité financière sont plus à risque de développer des problèmes émotionnels et comportementaux. » Et la situation risque de s’aggraver, alertent les auteurs de l’étude, avec l’accroissement des inégalités, le nombre de plus en plus réduit de propriétaires de logement et celui, croissant, des familles locataires.
« Alors qu’une grande majorité des enfants participant à l’étude ont été propriétaires d’un logement familial et ont peut-être bénéficié de la hausse des prix de l’immobilier au début des années 2000, la proportion d’enfants grandissant dans des familles propriétaires a considérablement diminué au cours de la dernière décennie. A mesure que les inégalités de richesse en matière de logement s’accroissent, il est possible que la divergence entre les problèmes émotionnels et comportementaux des enfants s’intensifie », prévient de son côté Ludovica Gambaro. Laquelle exhorte les pouvoirs publics à mettre en place une nouvelle stratégie reconnaissant l’impact de l’insécurité financière pour améliorer le bien-être mental des enfants.
D’autant que les expériences de confinement liées au Covid-19 ont elles aussi creusé ces mêmes inégalités et exacerbé les difficultés des enfants grandissant dans des logements plus petits ou surpeuplés. Début avril, des chercheurs de l’UCLouvain et de l’Université d’Anvers avaient pointé l’explosion du mal-être psychologique (de 18 % à 52 %) dans l’ensemble de la population belge.