En savoir plus sur les mineurs à double vulnérabilité. Du 23 janvier au 26 février 2024, la Cnape et l’Unapei, deux fédérations d’associations qui œuvrent respectivement dans le secteur de la protection de l’enfance et celui du handicap, ont transmis à leurs membres une enquête dédiée aux enfants et aux jeunes majeurs à la fois protégés et en situation de handicap. Sans avoir l’ambition d’obtenir des données consolidées, l’étude souhaite simplement obtenir des indicateurs communs pour conforter les remontées du terrain. L’objectif : brosser les tendances concernant la proportion d’enfants concernés, et les formes d’intervention dont ils bénéficient.
Un questionnaire a été envoyé aux structures. Quelque 122 établissements ont répondu.
- Parmi eux, 78 appartiennent à la protection de l’enfance et 44 au champ médico-social.
- 69 associations sont des lieux d’accueil, 24 exercent des mesures d’accueil et de milieu ouvert, et 7 sont des services de milieu ouvert, côté enfance en danger.
- les IME (instituts médicaux éducatifs) et les Ditep (instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques) constituent la grande majorité des répondants côté médico-social.
- 20 376 personnes concernées sont au total accueillies au sein de l’ensemble des structures répondantes.
Près d’un quart des enfants accompagnés relèvent de la double vulnérabilité.
- Ils sont 23,68 % au sein des établissements de la protection de l’enfance, 24,80 % parmi ceux du médico-social.
- Ils sont 24,69 % parmi les enfants hébergés par l’aide sociale à l’enfance (ASE) contre 21,90 % parmi ceux accompagnés dans le cadre d’une mesure de milieu ouvert.
- Ceux sont les lieux de vie et d’accueil (LVA) qui en reçoivent le plus grand nombre, puisque 45,45 % des enfants accueillis dans ce type de structure sont à la fois handicapés et protégés.
- 41 % des enfants accompagnés en Ditep sont également suivis par l’ASE.
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14,6 % des enfants sont en attente de diagnostic. Le nombre de mineurs en double vulnérabilité est donc probablement plus élevé, notamment concernant les mineurs non accompagnés (MNA) généralement arrivés depuis peu en France.
Face à cette augmentation du nombre d’enfants et jeunes majeurs concernés, les deux réseaux ont formulé quatre recommandations principales.
1. Mettre en place un accompagnement précoce. Le défaut de places dans les structures dédiées, dont les listes d’attente atteignent à minima plusieurs mois, risque d’entraîner une aggravation des troubles de ces enfants aux besoins multiples et de faire glisser la situation vers la protection de l’enfance. Les fédérations souhaitent :
- Créer un futur service public du repérage précoce qui rassemblerait une communauté d’acteurs pluridisciplinaires.
- Lutter contre l’errance des familles, notamment grâce à un accompagnement au plus tôt pour les aider dans l’ouverture des droits liés au handicap de leur enfant, et une réduction du délai de traitement des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées).
- Favoriser l’intervention des services de prévention en protection de l’enfance pour les enfants en situation de handicap.
2. Accentuer la collaboration entre la protection de l’enfance et le médico-social en cas de mesure de protection. Une prise en charge multidisciplinaire précoce pourrait éviter certains placements dus aux écarts de développement.
- Repérer rapidement les troubles de développement des enfants confiés très jeunes.
- Etendre les agréments des structures médico-sociales aux moins de 6 ans.
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3. Décloisonner les politiques publiques, en assurant une meilleure coordination entre le secteur du handicap, la protection de l’enfance et l’Education nationale.
- Mobiliser davantage les comités départementaux qui réunissent des acteurs des conseils départementaux et des ARS (agences régionales de santé).
- Elaborer une feuille de route commune à l’ARS et au conseil départemental et à la protection judiciaire de la jeunesse dressant les actions à mener sur chaque territoire, à l’échelle départementale.
- Harmoniser le périmètre et les missions des commissions dédiées aux enfants sans solution afin d’éviter leur démultiplication.
4. Créer un socle commun de connaissances chez l’ensemble des travailleurs sociaux, notamment :
- En rendant obligatoire les stages dans les structures des deux champs dès la formation initiale.
- En favorisant des temps d’analyse de pratiques communs entre les professionnels issus des différentes structures grâce à une prise en charge financière des pouvoirs publics.
>>> retrouvez ici l'intégralité de l'enquête et du playdoyer