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Handicaps et emploi : les propositions audacieuses de l’Igas

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Young woman in wheelchair with colleagues at office, closeup

Photo d'illustration.

Crédit photo New Africa - stock.adobe.com
Dans son rapport rendu public le 23 juillet, l’inspection générale des affaires sociales présente trois scénarios pour les années à venir en matière d’emploi des personnes handicapées. De l’aménagement des dispositifs actuels à un changement complet de modèle, l’éventail est large. Les acteurs du secteur y voient d’intéressantes pistes de réflexion.

Avant la crise sanitaire déjà, le taux de chômage des personnes handicapées demeurait, malgré une légère embellie en 2019, deux fois plus élevé que la moyenne nationale. Les actuelles difficultés économiques et sociales devraient aggraver le phénomène. Pourtant, comme le pointe l’inspection générale des affaires sociales (Igas) dans son rapport thématique 2019(1), les premières mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées ont été mises en place depuis plusieurs décennies.

Le document retrace leur histoire et évolutions. Puis il souligne que depuis deux ans, et notamment la loi du 5 septembre 2018 sur la liberté de choisir son avenir professionnel, des mesures d’ajustement ont été prises, en particulier pour favoriser l’emploi direct au sein des entreprises ordinaires.

Trop de dispositifs

Mais pour l’Igas, l’actuel mode de fonctionnement ne tient pas suffisamment compte des nouvelles perceptions du handicap et des attentes de la société. Aux yeux des rédacteurs du rapport, les mesures de discrimination positive dont les personnes handicapées font l’objet les stigmatisent et ne répondent pas suffisamment à leurs besoins : on tente davantage d’appliquer des dispositifs à des personnes que d’apporter à des individus des solutions adéquates. Ce que confirme Cyril Gayssot, président de l’Union nationale des entreprises adaptées (Unea), qui observe : « On compte 470 occurrences du mot dispositif dans ce texte ! Le mot “compensation”, lui, par exemple, revient 46 fois. » De plus, pointent les auteurs, la pérennité financière du système actuel n’est pas garantie, notamment du fait de l’augmentation du nombre de personnes concernées (report de l’âge de la retraite, accidentologie…).

Pour changer la donne, ce document inventorie les avantages et inconvénients de trois scénarios possibles pour les années à venir.

Quelques principes communs devraient s’y retrouver. A l’image d’une meilleure prise en compte de la diversité des handicaps, et d’une attention à porter aux difficultés psychiques. L’Igas milite aussi pour une part plus belle faite à l’approche préventive en matière d’emploi et de handicap, et pour que des frontières disparaissent. Ainsi salue-t-elle les Esat (établissements et services d’aide par le travail) hors les murs ou les CDD tremplin, expérimentés depuis peu. Concrètement, elle recommande que les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) puissent délivrer des doubles orientations, à la fois vers le milieu ordinaire de travail et vers son pendant protégé, afin de fluidifier le passage de l’un à l’autre.

Une impasse à moyen terme

Ceci posé, le premier scénario consiste à simplement aménager organisation existante. La reconnaissance en qualité de travailleur handicapé (RQTH), l’obligation d’emploi qui lui est attachée, l’identification des bénéficiaires sur la base de critères médicaux… seraient conservés. Les auteurs de l’Igas estiment que c’est sans doute la solution la plus acceptable mais préviennent : c’est une impasse à moyen terme. Car, à leurs yeux, cela maintient une vision négative du handicap et s’avère peu compatible avec l’idée de société inclusive. Si malgré tout le choix était de s’en tenir à ce système, l’Igas invite à des aménagements « substantiels », notamment en matière de modes de financement et d’harmonisation et de développement des modes d’accompagnement. Mais on sent une préférence des auteurs, de même que des responsables associatifs, pour l’un ou l’autre des deux scénarios alternatifs : « Il est difficile de se positionner compte tenu du contexte actuel. Si le statu quo a quelque chose de rassurant, on voit ses limites ! On ne peut pas avancer en conservant ce modèle », estime Sophie Crabette, chargée de mission « action revendicative » à la Fnath (Association des accidentés de la vie).

Dans le modèle inclusif, la RQTH et la perception médicale du handicap disparaîtraient, au profit d’une vision sociale et environnementale du handicap. Cela engendrerait une mise en accessibilité des postes et locaux de travail après examen de la situation de travail par le service public de l’emploi. Il n’y aurait plus de politique spécifique à destination des personnes handicapées. Pour autant, l’Igas prévient que les discriminations toujours possibles devraient être sanctionnées, et le modèle de financement repensé, pourquoi pas au travers d’une taxe universelle sur les salaires ou le chiffre d’affaires. Ce scénario a une dimension pour tout dire assez révolutionnaire par rapport à notre modèle français, assez largement inspiré de la Suède, qui conserve, précisent les auteurs, un secteur adapté et protégé pour les publics qui en ont besoin. L’Igas estime que ce serait conforme aux engagements européens et internationaux pris par la France.

Les associations jugent toutes que ce scénario est, sur le papier, le plus séduisant : « Cela ferait du handicap un atout pour améliorer les conditions de travail de tous. Et limiterait les stigmatisations, donnerait des accès égaux aux moyens de compensation… », détaille Sophie Crabette. Mais beaucoup redoutent que la crise actuelle complique la mise en place d’un tel scénario : « La majorité des entreprises intègrent parce qu’elles y sont obligées, prévient-elle. Sans quotas elles risquent de se dispenser. » Arnaud de Broca, président du Collectif handicaps, ne dit pas autre chose, craignant que ce modèle inclusif corresponde davantage à la culture scandinave.

Le dernier scénario envisagé consiste à recentrer un dispositif comme le nôtre sur les handicaps nécessitant des aménagements substantiels. Seraient comptabilisées les personnes nécessitant des aménagements techniques ou des accompagnements importants. Une façon, selon les auteurs, de mixer, comme en Allemagne, les approches sociale et médicale du handicap et de mieux lutter contre les discriminations dans l’emploi. Une bonne manière, aussi, d’avancer progressivement vers le modèle inclusif, selon les acteurs associatifs. A condition toutefois, prévient Arnaud de Broca, qu’il s’accompagne d’une politique de maintien dans l’emploi et de santé au travail.

Notes

(1) Disponible sur : https://bit.ly/2Di51kH

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