II. Nouvelle règlementation en matière d’asile
Une des nouveautés de la loi est la création d’une nouvelle entité : « France asile », qui sera progressivement déployée sur l’ensemble du territoire.
A. Missions de France asile
La loi « immigration » prévoit la mise en place de trois pôles territoriaux appelés « France asile » afin de faciliter et accélérer le traitement des demandes d’asile. Ils remplaceront à terme les guichets uniques d’accueil des demandeurs d’asile. Ils seront progressivement déployés sur le territoire, après la mise en place de trois sites pilotes (Ceseda, art. L. 121-17 nouveau).
Au sein de ces pôles territoriaux, les intéressés pourront réaliser les différentes étapes de leur parcours :
→ enregistrement de leur demande d’asile auprès de la préfecture ;
→ octroi des conditions matérielles d’accueil et entretien de vulnérabilité auprès de l’office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) ;
→ introduction de leur demande d’asile auprès des services de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).
Dans certains cas, le demandeur effectuera son entretien personnel auprès de l’Ofpra (cas des entretiens menés par un moyen de communication audiovisuelle et mission déconcentrée de l’Ofpra).Le demandeur d’asile pourra compléter sa requête avec toutes les pièces utiles d’ici à son entretien personnel, qui interviendra au minimum dans un délai de 21 jours.
Au moment de l’enregistrement de sa demande, l’intéressé est informé de son droit à être accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’Homme, d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants, ou encore d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur l’identité de genre ou l’orientation sexuelle.
Après l’enregistrement de sa demande, le demandeur d’asile sera informé, « dans les meilleurs délais », des langues dans lesquelles il peut être entendu lors de son entretien personnel. Dans le cas où sa demande ne pourrait pas être satisfaite, l’intéressé peut être entendu dans une langue dont il a une connaissance suffisante.
La mesure relative au choix de la langue de l’entretien Ofpra dès le dépôt de la demande d’asile au guichet unique avait été introduite par la loi de septembre 2018. La modification apportée par la loi « immigration » et qui prévoit désormais que le demandeur sera informé du choix de la langue dans les meilleurs délai après l’enregistrement de sa demande d’asile reste encore vague et difficile à évaluer.
Au-delà de la volonté de faciliter les démarches, la création de ces pôles pose des questions quant à ses modalités de mise en œuvre, qui ne sont pour l’instant pas encore connues.
B. Un juge unique à la CNDA
Auparavant appelée Commission des recours des réfugiés, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a reçu sa dénomination actuelle grâce à la loi du 20 novembre 2007. Dotée de compétences juridictionnelles et consultatives, il s’agit d’une cour spécialisée compétente pour examiner les recours formés contre les décisions de l’Ofpra en matière de demandes d’asile.
Jusqu’à la loi « immigration », la CNDA jugeait en formation collégiale, avec un président assisté de deux assesseurs. Ces derniers étaient désignés par le Haut-Commissaire des Nations unies (HCR) pour les réfugiés, et le vice-président du Conseil d’Etat. Le juge unique, quant à lui, était l’exception, et intervenait en cas de procédure accélérée ou de décision d’irrecevabilité de l’Ofpra dans un délai de 5 semaines à compter de sa saisine.
A la suite de la loi, la CNDA est désormais divisée en chambres, elles-mêmes regroupées en sections, et peut comprendre des chambres territoriales. Le président de la Cour a comme mission d’affecter les membres des formations à toutes les chambres, et peut spécialiser ces dernières en fonction du pays et des langues utilisées. Et désormais, chaque formation est présidée par un juge unique (Ceseda, art. L. 131-3 à L. 131-9). Par dérogation, la CNDA est autorisée à statuer de manière collégiale, et comprend :
→ un président ;
→ un membre nommé par le vice-président du Conseil d’Etat, le premier président de la Cour des comptes, ou par le ministre de la Justice ou une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d’Etat en raison de ses compétences dans le domaine juridique ou géopolitique ;
→ une personnalité qualifiée nommée par le vice-président du Conseil d’Etat en raison de ses compétences dans le domaine juridique ou géopolitique.
L’affaire pourra être inscrite en formation collégiale si le président de la Cour estime « qu’elle pose une question qui le justifie ».
Echec du remplacement de l’AME par l’AMU
Alors qu’il n’était qu’à l’étape du projet de loi, le texte remanié par le Sénat comprenait la suppression de l’aide médicale d’Etat (AME) et la remplaçait par une aide médicale d’urgence (AMU). Or l’AME permettait aux personnes en situation irrégulière, présentes sur le territoire depuis au moins 3 mois, de bénéficier d’un panel de soins. Avec l’AMU, cet accès était réduit à la prophylaxie, au traitement des maladies graves et douleurs aiguës, aux soins liés à la grossesse, aux vaccinations réglementaires et examens de médecine préventive.
Cette mesure a finalement été supprimée en commission mixte paritaire. Toutefois, l’ancienne Première ministre Elisabeth Borne avait annoncé que des travaux étaient en cours pour réformer l’AME, par voie réglementaire.
>>> Le dossier juridique complet :
Loi « immigration » : ce qui change dans le droit des étrangers (1/7) (accès gratuit)
Un droit au séjour des étrangers fragilisé ? (2/7)
Quelle nouvelle règlementation pour l’asile ? (3/7)
De nouvelles procédures applicables au contentieux des étrangers (4/7)
Une carte de séjour spécifique aux métiers en tension (5/7)
Durcissement des dispositions applicables aux MNA (6/7)
Modification de la législation en matière d'éloignement (7/7)