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« Un recensement annuel des sans-abri rendrait le sujet davantage visible » (Ayda Hadizadeh)

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Ayda Hadizadeh : « La loi permettrait de récolter des données qualitatives sur l’état de santé des personnes à la rue. »

Adoptée en première séance au Sénat le 24 janvier, une proposition de loi vise à instaurer un décompte annuel des personnes sans domicile. Pour Ayda Hadizadeh, déléguée générale de l’association Les oubliés de la République, cette loi permettrait d'ouvrir un débat parlementaire sur la situation des sans-abri. Et sa mise en œuvre aurait aussi d'autres conséquences pour améliorer l'accompagnement des SDF.    

Déposée par le sénateur Rémi Féraud (PS), la proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans-abri par des travailleurs sociaux et des bénévoles au niveau national a été adoptée en première séance mercredi 24 janvier. Les deux articles qui la composent permettraient d’établir un diagnostic objectif pour que les pouvoirs publics soient contraints d’évaluer les moyens nécessaires à l’éradication de la grande exclusion. Déléguée générale de l’association Les oubliés de la République, Ayda Hadizadeh souhaite voir apparaître le sujet en tête des débats parlementaires pour doter les territoires de solutions adaptées.

ASH : Quel est l’objectif de cette proposition de loi ?

Ayda Hadizadeh : En premier lieu, ce recensement permettrait d’instaurer l’organisation, au Parlement, d’un dialogue annuel sur la question du sans-abrisme et le sujet serait davantage visible. En effet, la proposition de loi constitue la première étape pour obtenir des bases de discussions et de négociations avec les pouvoirs publics. Et ce, afin de trouver des leviers d’actions pour agir.

Sur les deux mandats du président de la République actuel, aucune initiative législative soumise au débat ne porte sur le sujet des personnes qui dorment à la rue. Pourtant, dès 2017, Emmanuel Macron entendait en faire une priorité. Cette initiative s’avère donc intéressante pour notre association car nous savons qu’il existe un « effet loi » important. Le fait de porter une thématique au Parlement témoigne de la mobilisation de la représentation nationale, instrument essentiel pour impulser l’ouverture d’un débat.

Si la loi est adoptée, quelles conséquences sont attendues ?

Ce n’est pas juste un décompte. La loi permettrait de récolter des données qualitatives sur l’état de santé des personnes à la rue. Leur espérance de vie est estimée à 49 ans, contre environ 80 ans dans la population générale. Ces relevés d’informations sont donc essentiels pour adapter l’accompagnement.


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La sortie de rue dépend souvent d’une relation de confiance construite sur la durée entre le public et les travailleurs sociaux. Les problèmes ne tiennent pas qu’aux toits ou au nombre de mètres carrés disponibles pour se loger. L’accompagnement et le soutien d’acteurs mobilisés sont d’autres moyens essentiels pour assurer l’insertion. Et pour organiser ce décompte, notamment dans les plus grandes villes, les autorités politiques, administratives ainsi que les différents acteurs sociaux devront coopérer.

Rappelons que selon le collectif Les morts de la rue, 624 individus sans domicile sont décédés en 2022. Cette loi permettrait également de lutter contre ce phénomène.

Déjà organisées dans plusieurs villes pour dénombrer les personnes sans solutions d’hébergement, les Nuits de la solidarité, dont s’inspire le texte, sont contestées par une part de ce public. Pourquoi ?

Il existe une grande méfiance. Pour beaucoup, c’est la violence des institutions qui les a conduit à la rue. Par exemple, de nombreux enfants placés se sont retrouvés sans logement à leur majorité. 40 % des jeunes sans abri sont d’ailleurs passés par l’aide sociale à l’enfance (ASE). La violence ressentie ne s’efface pas facilement.

De plus, les personnes contraintes de dormir dehors prennent mal le fait que, durant les Nuits de la solidarité, on vienne les rencontrer pour les compter. Certains ressentent de la colère car les bénévoles qui participent à l’opération leur posent des questions parfois indiscrètes, puis partent. Ils jugent ce type d’actions inutiles car les parcs et les parkings ne sont pas explorés. Nous avons soulevé ce problème indéniable avec Rémi Féraud. Bien conscient de cette réalité, il affirme qu’il est malgré tout nécessaire de s’appuyer sur cette base, qu’il s’agit d’un point de départ important. Le recensement ne sert pas à venir en aide au public, il vise à poser un cadre de dialogue.

> A lire aussi : Troubles psychiques : un guide pratique pour l’insertion des personnes sans abri (HAS)

Comment s’organiserait le comptage ?

Si le recensement s’impose au niveau national, chaque commune sera libre de l’organiser comme elle l’entend. Trop cadrer les choses avec des détails techniques se révèle souvent contreproductif. C’est la raison pour laquelle la proposition de loi est assez courte.

Le second article du texte prévoit que les résultats soient transmis aux préfets, qu’ils puissent être concentrés dans un rapport annuel afin d’être remis au Parlement pour créer un débat. Pour aller plus loin, nous envisageons de déposer des amendements proposés directement par les personnes concernées. Il s’agirait par exemple de créer un observatoire indépendant ou d’inclure la participation des maires au dénombrement.

Que pourrait apporter la participation directe des élus locaux ?

Notre collectif a vocation à casser l’approche première d’un sujet par des statistiques ou par des chiffres. Nous sommes convaincus que l’expérience personnelle est vectrice d’émotions et nous considérons que c’est cette dernière qui pousse à agir. Les actions ne sont pas impulsées par les chiffres même s’ils sont révoltants. En somme, si les élus participent, peut-être qu’ils s’engageront davantage pour que des solutions adviennent.

>>> La proposition de loi visant à mettre en place un décompte annuel des personnes sans-abri dans chaque commune

 

 

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