Directrice générale de la Fas, Nathalie Latour dénonce les incohérences et le manque de transparence dans les objectifs affichés par le Gouvernement à la suite de la publication, au journal officiel, d’un décret amputant d’un milliard d’euros de budget les secteurs sociaux et médico-sociaux.
ASH : Que pensez-vous des restrictions budgétaires annoncées par le ministre de l’Economie ?
Nathalie Latour : L’histoire se répète avec des incohérences entre les ambitions affichées et les possibilités de mise en œuvre. Sur le volet travail par exemple, alors que la ligne du Gouvernement est très claire quant à l’objectif de plein emploi, les restrictions financières prévues pour sa dotation se révèlent très surprenantes. Elles interviennent en effet à la suite de l’annonce par le Premier ministre le 30 janvier dernier, d’avancer à 2025 la généralisation des territoires d’expérimentation de la contractualisation du RSA (Revenu de solidarité active). Cela pose question. Les restrictions liées au budget logement nous interrogent aussi beaucoup car il est interdépendant de celui du travail.
Justement, les coupes s’attaquent au logement alors que le secteur de l’hébergement d’urgence n’est pas impacté. Qu’en pensez-vous ?
Si le financement du contingent d’hébergement d’urgence ne bouge pas officiellement, celui de l’immigration et de l’intégration diminue. Or, nous savons qu’ils sont liés et que ces décisions auront un impact sur le budget des dispositifs de droit commun. L’hébergement reste le réceptacle de la fragilisation des autres politiques publiques. Heureusement qu’il n’a pas été touché car les conséquences de la réforme de l’assurance chômage commencent à apparaitre dans le champ de l’Insertion par l’activité économique (IAE) alors que nous sommes sur une politique de France Travail censée fonctionner à « plein gaz ».
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A la suite de la promulgation, le 26 janvier, de la loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration, comment interprétez-vous les baisses de financement annoncées pour le champ de l’asile ?
Les dispositifs d’accueil sont déjà extrêmement contraints financièrement. Ils répondent pourtant à la demande de protection de personnes qui parfois ont fui leur pays en raison de guerres et dont la plupart sont reconnues comme réfugiées. Nous sommes interloqués par les postes budgétaires assez importants qui semblent touchés et sur la vision de l’économie qui renforce la stigmatisation et la précarisation. A la première lecture du décret, l’inquiétude se renforce donc quant au réel cap donné et plus globalement, sur les capacités politiques de protection.
Comment expliquez-vous ces décisions ?
Comme souvent, ce sont des choix qui ne sont ni clarifiés ni discutés. Il n’y a pas eu, en amont, de travail de concertation ou d’implication de notre part. Il est certes normal que le Gouvernement prenne des décisions mais n’oublions pas que le débat autour du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 s’est soldé par la saisie de l’article 49.3 de la Constitution. Et nous découvrons à présent de nouvelles décisions restrictives. Cela rejoint une absence de lisibilité et de visibilité ou a contrario, il s’agit peut-être là d’une lisibilité très claire et de plus en plus explicite concernant les questions de solidarités ou du système global de protection. Ces pans de la cohésion sociale sont quand même régulièrement très touchés par les choix de l’exécutif.
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Comptez-vous mettre des actions en place ?
Nous sommes toujours en lien avec les ministères concernés. Lancé par la Fas pour faire face aux réalités de la précarité que les orientations politiques rendent d’autant plus préoccupantes, notre plan de vigilance et de mobilisation continue plus que jamais. Avec l’objectif de demander des clarifications au gouvernement tout en faisant état des situations vécues pour les personnes concernées autant que pour les structures qui les accompagnent.
>> Le décret du 21 février 2024 portant annulation de crédits
>> Le plan de mobilisation de la Fas