Financement, contrôle, missions,… Comment s’organisent l’accueil et l’intégration des personnes souhaitant s’installer durablement sur le sol français ? Dans un rapport publié le 11 février 2025, la Cour des comptes passe au crible les moyens mis en place pour y parvenir, ainsi que leur évolution. Pour ce faire, les magistrats ont analysé les exercices des territoires métropolitains et des outre-mer durant la période 2019-2023.
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Le tout, au regard de la politique d’immigration et d’intégration dont les financements tiennent à deux crédits distincts votés en loi de finances. Il s’agit respectivement de la mission Immigration, asile et intégration dédiée aux demandeurs d’asile et réfugiés (programme 303) et des actions d’intégration des primo-arrivants (programme 104).
1.Hausse des dépenses
- En hausse de 23 % en quatre ans, les crédits alloués à la mission Immigration, asile et intégration et aux actions menées pour l’intégration des primo-arrivants se sont élevés à 2,3 milliards d’euros (€) en 2023.
- Durant l’année, 263 millions d’€ ont été attribués aux associations pour l’accompagnement des demandeurs d’asile et réfugiés hébergés, soit une hausse de 45 ,5 % depuis 2019.
- Pour sa part, l’accompagnement des demandeurs d’asile non hébergés est estimé à 16 millions d’€, soit 148,4 € par personne et par an.
- Le coût d’une place d’hébergement s’élève à 3 000 € (+ 36 %) ;
- Concernant les primo-arrivants, 57 % des dépenses ont été consacrées aux contrats d’intégration républicaine (Cir). Il s’agit là d’une augmentation de 114 % depuis 2019.
« Les autres crédits du programme 104, gérés par la DGEF et les préfectures, connaissent une forte hausse (86,5 M€, +121 % depuis 2019). La hausse des coûts unitaires s’explique par l’intensification des actions (réforme du CIR), et par un profil de bénéficiaires requérant davantage d’accompagnement », notent les auteurs du rapport.
2.Financements publics et accompagnement associatif
En termes d’accompagnement, les primo-arrivants qui s’engagent sur un Cir bénéficient d’une formation civique de quatre jours et, si nécessaire, d’une formation linguistique. Les demandeurs d’asile bénéficient, quant à eux, d’un accompagnement dans leurs démarches pour bénéficier de la protection internationale. S’ils obtiennent le statut de réfugiés, ces derniers signent un Cir et sont accompagnés dans leur intégration sur les volets logement et emploi.
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L’administration peut, par ailleurs, restreindre la liberté d’étrangers en situation irrégulière, en les plaçant en rétention, avec un accès à une assistance juridique.
En termes de financements, l’Office français de l’intégration et de l’immigration (Ofii) finance les actions liées au Cir et à l’accompagnement social effectué au sein des structures de premier accueil des demandeurs d’asile (Spada). Et ce, par le biais de marchés publics.
Pour sa part, le Direction générale des étrangers en France (DGEF) finance les actions d’accompagnement des personnes hébergées dans les structures prévues pour les demandeurs d’asile, ainsi que l’accompagnement dans les Centres de rétention administrative (Cra), et certains dispositifs spécifiques d’intégration à destination de publics distincts du Cir, le plus souvent via des crédits déconcentrés.
« Dans tous les cas, les acteurs qui assurent l’accompagnement sont majoritairement des associations », souligne le rapport.
3.Coordination défaillante
Parmi les différents constats relevés, l’analyse des cahiers des charges et appels à projet montre que l’État et l’Ofii ne définissent pas avec précision les missions d’accompagnement, les compétences requises et, dans les structures d’hébergement, le taux d’encadrement nécessaire.
Par exemple, aucun référentiel commun (tâches et temps moyen nécessaire) en matière d’accompagnement n’est mis en place. « Comme en matière d’hébergement, le fréquent recours à la subvention offre peu de prise à l’État sur le contenu et le suivi d’exécution des prestations, précise la Cour des comptes. Les possibilités en la matière devraient être accrues par la conversion progressive en établissements médico-sociaux de certaines structures d’hébergement ».
Autres observations : dans le champ de l’intégration, les prestations offertes dans le cadre du Cir et celles financées par les crédits déconcentrés du programme 104 peuvent se recouper, faute de coordination entre services déconcentrés et directions territoriales de l’Ofii. Enfin, le faible degré de concurrence dans certains territoires, notamment pour les marchés de l’Ofii, limite la maîtrise des coûts.
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4.Contrôles aléatoires
« Les contrôles sur les associations sont appliqués de manière inégale », pointe, par ailleurs, le document. Les opérateurs d’hébergement des demandeurs d’asile et les associations bénéficiant de crédits déconcentrés d’intégration font l’objet de contrôles occasionnels et peu formalisés, tout particulièrement en ce qui concerne les prestations d’accompagnement.
« Ce paysage est en mutation : la DGEF a initié une démarche prometteuse avec le dispositif Agir, destiné à un accompagnement d’ensemble des réfugiés jusqu’au logement et à l’emploi, dont l’impact reste à évaluer », admettent les auteurs du document.
La Cour préconise aussi de repenser l’accompagnement linguistique dans le cadre du CIR avec la loi du 26 janvier 2024, applicable dès 2026, qui impose un niveau de langue certifié pour obtenir une première carte de séjour pluriannuelle.
5. Recommandations
Dans ce contexte, les magistrats formulent 5 recommandations à destination de l’Ofii et du ministère de l’Intérieur.
- Améliorer l’identification des candidats potentiels aux marchés de formation linguistique et civique du contrat d’intégration. républicaine, et le cas échéant revoir le découpage de leurs lots pour favoriser la concurrence.
- Élaborer un référentiel unique de tâches afin de mieux encadrer les dépenses et la qualité de l’accompagnement social des personnes hébergées dans le dispositif national d’accueil, et réfléchir à une tarification adaptée.
- Définir de façon harmonisée et plus précise les compétences requises pour accompagner les demandeurs d’asile et les réfugiés, qu’ils soient ou non hébergés dans le dispositif national d’accueil.
- Améliorer le suivi de l’activité d’accompagnement social organisée par les gestionnaires d’hébergement, notamment dans le cadre du déploiement à venir de nouveaux systèmes d’information.
- Au sein du programme 104, assurer la cohérence entre les formations linguistiques et civiques financées par l’action « accueil des étrangers primo-arrivants » et celles financées par l’action « intégration des étrangers primo-arrivants ».
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