Dysfonctionnel. Tel est le terme qui qualifie le bilan 2023 des centres de rétention administrative (CRA) dressé par cinq associations*, dont La Cimade. Leur document fait état de plus de 45 000 personnes enfermées dans les 45 centres que compte le territoire, réparties comme suit : 16 969 ont été retenues dans l’Hexagone et 29 986 dans les départements d’Outre-mer, majoritairement à Mayotte. En métropole, 95 % des personnes sont des hommes. Le rapport note la présence de 87 enfants, ainsi que de 124 jeunes qui se sont déclarés mineurs mais ont été considérés comme majeurs par l’administration.
Un peu plus d’un tiers d’éloignement effectif
Les ressortissants d’Algérie (33 %), de Tunisie (11 %) et du Maroc (10,5 %) sont les principaux concernés. Les mesures d’éloignement à l’origine du placement sont majoritairement des obligations de quitter le territoire français (OQTF), des interdictions du territoire français (ITF) ou tiennent à des procédures « Dublin ». Les contrôles de police, les sorties de prison et les interpellations pour infractions constituent les principales conditions d’interpellation menant vers un CRA.
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« Pendant toute la durée de la rétention, les personnes retenues sont privées de libertés jusqu’à leur éventuel renvoi ou libération. Il s’agit d’un environnement carcéral dans lequel elles vont être contraintes de manger, dormir et vivre sous la surveillance permanente de la police qui gère ces lieux », pointent les associations.
Environ 60 % des personnes retenues sont libérées sur décision d’un juge et près de 37 % se voient éloignées vers leur pays d’origine. La durée moyenne de la rétention s’élève à 28,5 jours, une semaine de plus qu’en 2023. « Un nombre qui a doublé en cinq ans, rappelle le rapport. La durée d’enfermement maximale prévue par la loi est de 90 jours et n’a cessé d’augmenter au fil des réformes. » Les CRA de Mayotte, du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne) et de Paris-Vincennes (Val-de-Marne) concentrent le plus de placements en rétention.
La France, championne d’Europe des OQTF
Autre particularité : depuis longtemps, la France est l’Etat de l’Union européenne délivrant le plus de mesures d’éloignement vers des pays tiers. « La délivrance massive des OQTF risque de se poursuivre et devrait s’accélérer, puisque la dernière loi “immigration” a supprimé les protections contre les OQTF dont bénéficiaient certains étrangers au regard de leur situation individuelle », souligne le document.
Paradoxalement, une baisse des éloignements depuis les CRA s’observe en 2023. Ce qui signifie qu’une part significative des expulsions s’effectue hors des centres. « L’an dernier, près de 1 000 personnes supplémentaires ont été enfermées dans l’Hexagone, mais l’administration a procédé à environ 1 000 éloignements de moins depuis les CRA », détaille le rapport.
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Si, avec 1 117 éloignements effectifs, l’Algérie devient le premier pays de renvoi, seuls 23 % des Algériens placés en rétention ont été éloignés. « Ceci illustre la persistance de l’administration à placer des personnes en rétention sans s’interroger sur l’existence réelle de perspectives d’éloignement », indiquent les associations.
Enfin, sur les quatre CRA d’Outre-mer, celui de Mayotte recense 60 % des placements nationaux. Il compte aussi le plus grand nombre de mesures d’éloignement (84 %), « bien souvent sans que les personnes n’aient eu la possibilité d’être entendues par un juge », précise le rapport. En outre, le nombre d’enfants enfermés sur ce territoire est 40 fois supérieur à celui de l’Hexagone.
(*) Groupe SOS Solidarités, Forum réfugiés, France terre d’asile, La Cimade et Solidarité Mayotte.
>> Le rapport 2024 Centres et locaux de rétention administrative
Aujourd’hui sort le rapport annuel 2023 sur les centres et locaux de rétention administrative, fruit du travail d’analyse commun des 5 associations, dont La Cimade, intervenant dans ces lieux.
— La Cimade (@lacimade) April 30, 2024
Le constat est alarmant et exige des mesures urgentes. On vous explique pic.twitter.com/JJzfJxF8mw