Le film s’ouvre sur le visage brut de Noémie, son regard noir, on découvre un peu plus tard son corps frêle, le tee-shirt jaune qu’elle ne quitte jamais à l’effigie d’un groupe de rock punk. La scène se déroule dans un centre de protection de la jeunesse où elle vit depuis trois ans. Ce jour-là, l’adolescente de 15 ans « pète un câble » : un, deux, trois… appels à sa mère et à chaque fois, le répondeur. Sur sa vie d’avant le placement, on ne sait rien, si ce n’est les marques désespérément rouges autour de ses poignets et cette maman défaillante, incapable de l’élever. C’est pourtant auprès d’elle que Noémie veut vivre.
Un réalisme cru sur une enfant placée
Après un premier refus, cette fois, le juge pour enfants autorise un retour chez elle durant neuf mois avec un suivi social. Mais au tribunal, la mère se rétracte : elle ne veut pas de sa fille, elle a peur de ne pas y arriver. Cette scène poignante plante le décor. Noémie est broyée. La suite, on la devine : fugue, prostitution… C’est le début d’une longue descente aux enfers pour la jeune fille. Le film est d’un réalisme cru sur la détresse affective de cette enfant placée qui ressemble à tant d’autres. Sans argent, sans logement, le piège se referme. Noémie ne consent pas, ne choisit pas. Les clients s’enchaînent. L’horreur.
La voix d'une travailleuse sociale
La réalisatrice a voulu dénoncer la violence des relations forcées, l’exploitation des corps des femmes : « La violence de la négation de soi, la violence d’être achevée, la violence de notre silence collectif. » Le film se déroule à Montréal mais il pourrait se passer à Paris. Seul l’accent et les expressions québécoises comme « tu viens work avec moi » signent la différence. Noémie rêve d’une famille. Elle voudrait revoir sa chambre d’enfant, aller dormir au moins une nuit chez sa mère. Lorsqu’un jour, épuisée, elle appelle le foyer des jeunes qu’elle a fui. Brigitte, la travailleuse sociale, décroche : « Je suis là pour toi, tu peux revenir quand tu veux, tout le monde t’attend ici. » Des mots simples qui vont tout changer…
« Noémie dit oui » – Film de Geneviève Albert. Au cinéma à partir du 26 avril.