Sous la Restauration et la monarchie de Juillet, deux grands problèmes mobilisent, en moult déclinaisons, les pouvoirs publics et le monde de la philanthropie : d’une part, l’état des prisons ; d’autre part, la question du paupérisme et des classes « dangereuses », pour reprendre le vocabulaire de l’époque.
La prison est perçue comme une véritable école du crime, a fortiori pour les enfants, « naturellement portés à l’imitation ». Aussi, écrivaient les enquêteurs de la Société royale pour l’amélioration des prisons, « ceux qui restent seulement un mois dans ces prisons contractent certaines habitudes inséparables du crime et de la débauche et, au lieu de devenir meilleurs après, ils sont au contraire plus enclins au vice ». Quant aux grandes enquêtes sur la misère et la criminalité qui en découle, elles soulignent que « les enfants fournissent eux-mêmes des éléments à la classe corrompue qui désole la société, tant le vice est contagieux. Il en est, qui, à peine adolescents, ont complètement rompu avec leurs familles et ne subsistent dans leur état d’isolement et de vagabondage qu’à l’aide de petits vols et de méfaits de toute espèce. »
Ces différents constats entraînent une certaine autonomisation de la délinquance juvénile par rapport à celle des adultes et plaident pour un traitement singulier de cette population. Trois modalités de prise en charge sont alors testées qui, au fils du temps, formeront un dispositif global. On essaie donc d’abord de construire une prison sans les inconvénients de la prison. Ainsi naissent en 1825, à Strasbourg, les premiers quartiers pour mineurs, puis des prisons spécifiquement destinées aux enfants seront érigées à Bordeaux et surtout à Paris (Petite Roquette).
Parallèlement, à côté de la prison, sont créées les premières colonies agricoles pénitentiaires, dont l’archétype reste Mettray (Indre-et-Loire). Ce genre d’établissement pose surtout le principe d’un lieu d’éducation et de formation réservé aux enfants dits « de justice », tandis que se développe leur patronage, c’est-à-dire un système de moralisation et de surveillance en milieu « naturel ».
Mutatis mutandis, la justice pénale des mineurs repose toujours sur ces trois formes de prise en charge : la prison, l’établissement spécifique de placement et l’aide-surveillance en milieu ouvert. Pour comprendre l’histoire de la justice des enfants, il convient donc, en plus de décrypter le fonctionnement d’ensemble du dispositif, d’étudier l’évolution de chacune de ces modalités.