L’énergie et la joie de commencer cette expérimentation de trois ans étaient palpables, le 9 octobre dernier, quand l’équipe mobile mixte aide sociale à l’enfance (ASE)-association AEIM 54, dédiée aux enfants protégés porteurs de handicap s’est réunie pour la première fois.
Yves Rizk, à l’origine du projet, attendait ce moment depuis longtemps : « Nous avions remarqué depuis quelques années, et notamment à l’occasion de la mise en place de la démarche “Une réponse accompagnée pour tous” en 2018, l’ampleur et la fréquence des problématiques liées à la prise en charge des enfants protégés porteurs de handicaps, se rappelle le directeur d’association. Avec des incompréhensions, des tensions et des confrontations multiples entre les acteurs du médico-social et de l’aide sociale à l’enfance, rendant impossible ou très compliqué un suivi satisfaisant de ces enfants. »
Acculturation réciproque
L’AEIM 54 et les équipes départementales décident alors de se réunir pour comprendre la difficulté à laquelle ils sont confrontés. Temporalités et cultures différentes, méconnaissance réciproque des dispositifs – l’ASE ayant une culture de l’urgence jusqu’à 18 ans, tandis que le médico-social peut accompagner les jeunes jusqu’à 20-23 ans dans le cadre de l’amendement « Creton » –, le groupe de travail identifie également les périodes charnières avec fort risque de rupture de parcours : le passage à la majorité et la problématique de l’hébergement interrompu à 18 ans, les moments d’entrée dans les dispositifs des tout-petits avec des diagnostics de handicap posés parfois tardivement, les dépistages non systématisés dans les pouponnières, les changements de lieu d’accueil décidés par l’ASE sans prise en compte du changement de structure médico-sociale (Sessad, ITEP, IME…) qu’ils impliquent.
Après deux années de travail et d’acculturation réciproque, la réponse se construit sous la forme d’un dispositif atypique : le département n’est pas seulement financeur, avec l’agence régionale de santé (ARS), d’un projet qu’il confierait à un organisme gestionnaire, il détache une équipe dédiée pour former, avec les travailleurs sociaux de l’association, une équipe mobile mixte, aux compétences multiples.
Côté département, Jean-Marc Virion, chef de service « régulation » de l’ASE, qui copilote le projet et connaît toutes les demandes d’accueil immédiat et d’orientation du territoire, et deux éducatrices spécialisées. Du côté de l’association, sont mobilisés la directrice du dispositif d’accompagnement médico-éducatif du Grand Nancy, Jennifer Hardi, et deux éducateurs spécialisés, une psychologue et un médecin coordinateur.
« Nous avons suivi mi-septembre deux semaines de formation avec le Creai, la maison départementale des personnes handicapées, les acteurs départementaux, le secteur médico-social, pour faire émerger une culture commune », explique-t-elle.
Appui et expertise
Objectifs : apporter appui et expertise aux structures de la protection de l’enfance, aux familles d’accueil et aux parents ; soutenir le lieu d’accueil en mobilisant les moyens ou les compétences pour adapter la prise en charge aux besoins du jeune ; prévenir les ruptures ; accompagner le passage à l’âge adulte.
Pour Jean-Marc Virion, l’équipe deviendra progressivement une ressource pour l’ensemble des intervenants du territoire : « Le handicap ne disparaît pas à 18 h quand l’enfant rentre à la Mecs [maison d’enfants à caractère social] ou dans sa famille d’accueil. Certaines incompréhensions des accueillants non formés et des autres mineurs peuvent générer des tensions telles que l’enfant doit changer de lieu d’hébergement. C’est ce que l’on souhaite éviter, en devenant un outil pour l’ensemble des acteurs, que nous pourrons, par-delà nos interventions ponctuelles, former. »
Un autre dispositif va d’ailleurs très prochainement venir compléter la mission d’expertise d’évaluation de l’équipe mobile de Meurthe-et-Moselle : un pôle de compétences et de prestations externalisées (PCPE), qui pourra organiser diverses interventions en cas de risque avéré de rupture de parcours.