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L'ONES quitte temporairement le Conseil national de la protection de l'enfance

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"Nommer les violences, les incuries qu'on préfère cacher et porter la parole de ces enfants dont personne n'entend les appels à l'aide..." Tel est l'objectif de l'ouvrage et de la récente tribune co-signés par Michèle Créoff, vice-présidente du CNPE. Ce faisant, écornant au passage les services de protection de l'enfance comme les juges, elle a rompu son devoir de neutralité, poussant l'Organisation nationale des éducateurs spécialisés à se mettre en retrait de l'instance.

Ce n’est qu’à partir du moment où elles ont signé une tribune, associée à une pétition, dans le Journal du dimanche du 21 octobre, que Michèle Créoff et Françoise Laborde sont parvenues à relayer les propos développés dans leur ouvrage intitulé "Le Massacre des innocents : les oubliés de la République". Publié à la mi-septembre, ce manifeste "décortiqu[e] des cas concrets, repèr[e] les erreurs que l'on aurait pu éviter et/ou les dérapages des différentes institutions en charge de la protection de l'enfance".

"C'est le but de cet ouvrage, clament les deux auteurs : nommer ces violences, ces incuries qu'on préfère cacher et porter la parole de ces enfants dont personne n'entend les appels à l'aide... Les enfants ne votent pas, les enfants ne manifestent pas, ils n'ont pas des milliers d'amis sur Facebook et quand ils ont survécu aux traumatismes de leur enfance, ils préfèrent oublier". Au passage, les services sociaux de protection de l’enfance en prennent pour leur grade. Comme les voisins ou les juges, ils sont accusés de "souvent" maintenir "chez leurs bourreaux" les enfants dont ils savent qu’ils sont maltraités par leurs parents. Pour autant, Françoise Laborde et Michèle Créoff ne s’arrêtent pas à un constat effrayant, surligné de chiffres aussi dramatiques les uns que les autres, mais poursuivent leur exercice par la présentation de 19 préconisations (voir encadré) "pour remettre les besoins fondamentaux de l’enfant au cœur du dispositif".

Si Françoise Laborde, issue du secteur de l’audiovisuel, ne peut se prévaloir d’aucune autre étiquette que celle de citoyenne engagée pour justifier son intervention sur ce sujet sensible, Michèle Créoff, en revanche, se présente en tant que vice-présidente du Conseil national de la protection de l’enfance (CNPE). Et c’est bien ce qui dérange l’Organisation nationale des éducateurs spécialisés (ONES) qui, dans un communiqué publié le 23 octobre, a annoncé son retrait du CNPE.

Rappelant les 5 missions du CNPE, l’ONES explique qu’elle avait accepté d’y siéger, "en particulier en raison de l’objectif affiché de dépasser les idéologies sclérosantes et réductrices qui s’opposent dans le champ disciplinaire de la protection de l’enfance". D’un côté, décrit-elle, il y aurait ceux qui, s’appuyant sur les droits de l’Enfant, prônent "une intervention toujours plus précoce des services de protection de l’enfance". De l’autre, il y aurait les tenants d’une "doctrine familiariste" qui n’ont de cesse de critiquer l’action des services sociaux, accusés de détruire la famille et de placer à outrance et sans discernement des enfants qui, privés de leurs attaches familiales, seraient voués à un avenir sombre.

Avec son ouvrage et son intervention médiatique, l’ONES estime que la vice-présidence du CNPE "s’inscrit très clairement dans une doctrine qui tend à ébranler le cadre de la protection de l’enfance", tel que défini par la loi de 2016 et qui permettait de sortir de ce clivage de pensée. Il lui reproche d’avoir abandonné la neutralité attendue de la part d'une vice-présidente du CNPE. Constatant, en outre, que ce n’est pas la première fois qu’un membre du CNPE se prévaut de son appartenance à l’instance pour intervenir dans les médias, l’ONES restera éloigné du conseil, "tant qu’un nécessaire travail de refondation n’aura pas eu lieu pour repartir sur de nouvelles bases".

 

19 mesures pour construire une "autre politique" de la protection de l'enfance

Dans leur ouvrage et dans leur tribune, Michèle Créoff et Françoise Laborde listent 19 mesures pour construire une "autre politique, lucide, fondée sur la satisfaction des besoins de l’enfant et le respect de ses droits ", précisant qu'elles sont un "condensé de propositions déjà faites à de nombreuses reprises, dans divers rapports, études et projets de lois, par des associations, des élus, des magistrats..."

Face à la maltraitance familiale :

  • Mettre en place un guide national d'évaluation des dangers et y former tous les intervenants pour un diagnostic objectif et rapide ;
  • Créer dans chaque département des équipes spécialisées pour mener ces évaluations ;
  • Diligenter des enquêtes internes si un drame survient alors que la famille était suivie ;

Face à la lourdeur et à la violence de la procédure pénale :

  • Rendre obligatoire l'enregistrement vidéo de l'audition de l'enfant victime et son visionnage lors de la procédure pénale, sous peine de nullité ;
  • Créer dans chaque département des unités spécialisées pour recueillir la parole de l'enfant ;
  • Nommer un avocat auprès de l'enfant pour toutes les procédures le concernant ;
  • Mettre immédiatement à l'abri l'enfant lorsqu'une maltraitance est suspectée ;
  • Réformer la définition du viol sur mineur dans la loi du 31 juillet 2018 pour un interdit plus systématique ;

Face aux parcours chaotiques des enfants protégés :

  • Stabiliser leur statut juridique et les laisser vivre auprès des adultes bienveillants qui les élèvent ;
  • Interdire tout changement de lieu d'accueil, sauf si les besoins fondamentaux de l'enfant ne sont pas satisfaits ;
  • Développer l'accueil familial et favoriser les parcours scolaires des enfants placés ;
  • Permettre le droit à une deuxième famille, en adaptant le statut juridique de l'enfant et en favorisant l'adoption simple ;

Face à l'insuffisance du suivi sanitaire des enfants confiés à l'ASE :

  • Organiser dans chaque département un réseau de soins spécialisés, pris en charge par la Sécurité sociale ;
  • Initier un programme de recherche en santé publique pour évaluer ces situations ;

Face à l'indignité de l'accueil des mineurs non accompagnés :

  • Transférer à l'État l'évaluation de la minorité de ces jeunes avec une mise à l'abri immédiate ;
  • Confier leur accueil aux départements, avec un accompagnement spécifique, seule garantie d'une intégration réussie ;

Face à l'abandon des jeunes confiés, à leur majorité :

  • Rendre obligatoire la prise en charge des jeunes confiés à l'ASE jusqu'à 21 ans ;
  • Assurer la poursuite d'études, l'accès à une formation professionnelle, l'accès à un logement ;
  • Organiser et financer des réseaux de solidarité, notamment les réseaux des anciens enfants confiés.

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