Elle n’a pas seulement sauvé sa peau. Elle s’est aussi offert une cure de jouvence. Propriété de l’Association de coordination du soin et de l’aide à domicile (Acsad), la résidence autonomie Les Vignes, à Sciecq, avait, au fil des ans, perdu de son éclat. Ses 24 places en appartements individuels n’étaient plus occupées que par une petite dizaine de résidents. La faute à un modèle en perte de vitesse, coincé entre l’alternative du maintien à domicile ou de l’Ehpad, pour les personnes les moins autonomes.
La fermeture, à l’évidence, paraissait inéluctable, entraînant dans son sillage le départ de ses derniers résidents, âgés de 84 à 94 ans, inquiets à l’idée de quitter les lieux pour une destination inconnue. La situation n’a pas laissé indifférent le département des Deux-Sèvres. Lui qui, comme ailleurs, connaît des difficultés à loger les quelque 250 mineurs non accompagnés qui relèvent de ses services de protection de l’enfance. En concertation avec le maire de la commune et l’Acsad, il a imaginé la création d’une résidence intergénérationnelle, pouvant accueillir à la fois les personnes âgées et les mineurs non accompagnés.
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Fin janvier, 15 jeunes ont ainsi été accueillis au sein de 9 appartements. Originaires d’Afrique subsaharienne, d’Afrique du Nord ou d’Asie centrale, âgés de 15 à 16 ans, ils étaient tous hébergés jusqu’alors à l’hôtel. Le projet se veut ainsi une réponse à la mise en œuvre de la loi « Taquet » qui interdit au 1er février 2024 les placements des enfants protégés à l’hôtel. Scolarisés à Niort, au collège, ils sont toujours suivis par la mission MNA du département. « Seul le lieu d’hébergement change. En termes d’accompagnement, on continue à promouvoir leur autonomie, en travaillant avec eux leur projet professionnel, l’accès aux droits, l’obtention des titres de séjour… », explique Nicole Rudelin, accompagnatrice des MNA au département.
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En sauvant la résidence autonomie, le projet offrait donc une alternative aux services de protection de l’enfance. Encore fallait-il convaincre de son bien-fondé auprès des résidents, des familles, voire des salariées. « Nous avons rencontré les familles et les résidents lors des conseils de la vie sociale. Et à notre grande surprise, toutes et tous ont réagi de manière très positive », témoigne Magali Desvignes, coordinatrice à la résidence.
Si le lieu demeure la propriété de l’association, ses moyens humains et matériels ont été mutualisés avec ceux du département. A la résidence, les jeunes sont reçus par les auxiliaires de vie de l’Acsad, qui endossent quelques missions complémentaires : « Rien d’extraordinaire, tempère Stéphanie Antigny, cadre de l’Acsad. On s’assure qu’ils sont bien rentrés le soir, qu’ils se réveillent le matin ou on les accompagne pour le ménage. »
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Au-delà d’une question logistique et financière, l’opération est avant tout une aventure humaine : « Nos résidents jouent le rôle de grands-parents, explique Magali Desvignes. Ils sont très protecteurs envers les jeunes. » Et ces derniers insufflent de la vie au cœur de la résidence : « Elle était devenue comme un petit mouroir, chacun chez soi. Désormais, il y a toujours du passage, du mouvement. Et la cohabitation a redonné de la joie de vivre à l’ensemble des résidents », explique Stéphanie Antigny.
Et un regain de motivation à participer aux activités : jeux de cartes, repas partagés, ateliers de cuisine animent les pièces communes… Les mineurs, habitués aux chambres d’hôtels, ont trouvé un lieu rassurant, où ils peuvent cuisiner en toute autonomie : « Ils s’y sentent en sécurité, savent qu’il y a toujours quelqu’un et apprécient l’accueil des personnes âgées », souligne Nicole Rudelin. Fort des premiers retours d’expérience, le département espère pouvoir dupliquer ce modèle dans d’autres endroits du territoire. « Peut-être, explique sa présidente Coralie Dénoues, sous d’autres formes. »
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