Dans un arrêt rendu le 9 juillet dernier, la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) précise sa jurisprudence en matière de regroupement familial. La juridiction du Conseil de l’Europe juge que le fait, pour un Etat, d’imposer un délai de trois ans aux réfugiés sous protection temporaire avant de pouvoir exercer leur droit au regroupement familial, et ce, sans procéder à une appréciation au cas par cas, est contraire à la Convention.
En l’espèce, un Syrien s’enfuit de son pays et demande l’asile au Danemark, laissant son épouse derrière lui. Le service de l’immigration lui accorde le bénéfice de la « protection temporaire », spécifique au droit danois. Sa demande d’octroi du statut de protection lui est refusée car il n’a pas été « individuellement persécuté lors de son séjour à Damas », précise la commission danoise de recours des réfugiés.
En parallèle, en novembre 2015, il demande à bénéficier d’un regroupement avec sa femme, qui lui est refusé au motif qu’il n’est pas titulaire d’un titre de séjour depuis au moins trois ans. La décision est confirmée tout au long de la procédure judiciaire et, pour finir, par la Cour suprême.
Déséquilibre
Pour la CEDH, le délai d’attente de trois ans « représente une longue période pendant laquelle une famille sera séparée », d’autant qu'elle n’inclut pas la durée du périple lui-même.
Si elle ne remet pas en cause le principe de ce délai ni la distinction entre les bénéficiaires du statut de protection temporaire et les réfugiés en tant que tels, qui ne sont pas soumis au délai, la CEDH estime que les dispositions violent l’article 8 de la Convention. En effet, le fait d’imposer un délai sans appréciation individualisée conduit à un déséquilibre entre les besoins de l’individu et le bien-être économique du pays, raison pour laquelle ce délai a été instauré au Danemark.
La demande de regroupement familial de l’intéressé a été finalement acceptée en octobre 2018. Sa femme l’a rejoint presque un an plus tard, le 29 eptembre 2019.