Le tribunal administratif de Lille (Nord) a finalement validé, jeudi 25 février, l'ordre préfectoral d'évacuer les migrants établis dans la zone sud de la jungle de Calais (Pas-de-Calais), à l'exception notable des "lieux de vie" qui y sont installés en rejetant la demande de plusieurs associations - dont le Secours catholique ou le GISTI - et occupants qui avaient déposé un recours en référé contre cet arrêté d'expulsion, qui devait initialement être exécuté au plus tard mardi 23 février à 20 h. Mais la juge lilloise Valérie Quéméner, qui s'était rendue sur place mardi pour constater la réalité du campement, avait annoncé le report de sa décision. Le répit aura donc été de courte durée même si la date du début de l'évacuation n'a pas été communiquée par les services de l'Etat.
Annoncé dans la soirée par le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve - à qui huit organisations avaient fait part, une semaine plus tôt, de leurs vives inquiétudes concernant les conditions de ce démantèlement -, un comité de suivi du plan de mise à l'abri des migrants de Calais
a été réuni pour la première fois vendredi 26 février, avec la ministre du Logement et de l'Habitat durable, Emmanuelle Cosse, pour "détailler les mesures prévues et associer à leur mise en oeuvre les acteurs qui
travaillent au quotidien auprès des migrants". Pour le gouvernement, "les moyens déployés visent à répondre à l'enjeu humanitaire en proposant à tous les
migrants un hébergement en centre d'accueil et d'orientation, en améliorant les
conditions de vie sur le site, et en travaillant à une prise en charge spécifique pour les
mineurs".
"Autant de places que nécessaire" dans les CAO
Jeudi soir, le ministre de l'Intérieur s'était "réjoui", selon des propos rapportés par l'AFP, que "la vérité parvienne enfin à émerger face aux postures et manipulations de toute nature", en jugeant que l'ordonnance du tribunal confortait "l'action du gouvernement à Calais" et, plus précisément, "la démarche de mise à l'abri des migrants de Calais et de résorption du campement de la lande engagé par l'Etat". Dans une déclaration plus tard dans la soirée, place Beauvau devant la presse, il a aussi indiqué "qu'il n'a jamais été question pour le gouvernement français d'envoyer des bulldozers sur la lande pour procéder à la dispersion des migrants". Il a aussi rappelé que 2 700 migrants ont déjà été orientés vers les 102 centres d'accueil et d'orientation (CAO) créés sur tout le territoire, et où 500 places doivent être ouvertes en mars en plus des 500 actuellement disponibles, tout en assurant que le gouvernement ouvrirait dans ces centres "autant de places qu'il sera nécessaire".
Plus tôt dans la semaine, en déplacement dans un CAO au Mans (Sarthe) lundi 22 février, Bernard Cazeneuve avait déjà affirmé que l'évacuation se ferait "de manière progressive, en privilégiant à chaque instant le dialogue, la persuasion et l'information des migrants, dans le respect des personnes et en tenant compte de chaque situation individuelle".
La maire de Calais, Natacha Bouchart (LR), s'est pour sa part déclarée "satisfaite de cette décision responsable qui va permettre de procéder au démantèlement progressif de la partie sud de la jungle dans un délai estimé à trois semaines par les services préfectoraux". L'élue ajoute également, sur sa page Facebook, que les migrants concernés "vont être accueillis dans les centre d'accueil et d'orientation répartis sur le territoire national" et qu'ils "sont également prioritaires pour bénéficier des places proposées au centre d'accueil provisoire (CAP)".
Conserver les "lieux de vie" du bidonville
Dans sa décision, la juge des référés justifie l'arrêté d'expulsion des migrants par des raisons "d'ordre public", de sécurité et d'insalubrité, étant donné que cette partie du campement "se caractérise par la présence, pour l'essentiel, d'un habitat à la fois dense et diffus constitué d'abris précaires réalisés avec des matériaux divers et de tentes" mais aussi,par ailleurs, "d'installations plus pérennes destinées à des services de nature sociale, culturelle, cultuelle, médicale ou juridique et à l'accompagnement des populations les plus fragiles". C'est uniquement pour ces "lieux de vie" que le tribunal suspend l'arrêté pris le 19 février par la préfète du Pas-de-Calais. A l'inverse, "la zone 'nord' comporte, quant à elle, un centre d'accueil provisoire (CAP), espace clos et sécurisé dans lequel sont implantés 125 conteneurs (...), soit une capacité d'hébergement de nuit de 1 500 places, dont 300 sont actuellement disponibles", offrant donc des "possibilités de relogement", selon l'ordonnance de référé. La juge observe aussi que "l'Etat s'est engagé, en tout état de cause, à procéder à une évacuation progressive".
Du côté des associations présentes sur place, Médecins du monde - qui ne faisait pas partie des organisations ayant déposé le recours auprès du juge des référés - a salué, auprès des ASH, vendredi 26 février, la décision du tribunal lillois de sauvegarder les "lieux de vie", tout en restant "attentifs au fait qu'il n'y ait pas d'évacuation par la force". Ce démantèlement risque cependant, inévitablement, de "contribuer à disperser les occupants sur le territoire et à les rendre plus invisibles", craint Médecins du monde, qui a déjà constaté le départ de certains occupants du bidonville de Calais vers celui de Grande-Synthe (Nord), par exemple, ou vers d'autres petits camps disséminés sur la lande.
Article initialement publié le 25 février, mis à jour le 26 février.