Menée entre 2018 et 2023 et portée par un partenariat entre le tribunal judiciaire de Bobigny, l’hôpital Robert-Ballanger d’Aulnay-sous-Bois et les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE) du département, l’étude analyse 27 dossiers de féminicides, de tentatives de féminicides ou de suicides forcés. Un ensemble de faits commis dans le cadre de violences conjugales par des partenaires ou ex-partenaires des victimes.
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En termes de caractéristiques, la majorité (17) sont des meurtres aggravés tels que définis par la justice, c’est-à-dire des homicides volontaires et non prémédités. Les actes ont majoritairement lieu au domicile conjugal ou au domicile de la victime lorsque le couple est séparé. « L’agresseur a des conduites addictives ou des antécédents psychiatriques dans 8 situations sur 27 », souligne le document.
Crime de possession
Dans sept situations, l’annonce de la séparation constitue un moment où le passage à l’acte violent a pu être motivé. « Le féminicide est un crime de possession », conclut l’enquête.
Des antécédents de violences sont aussi retenus pour 8 situations sur 27. Quatre femmes avaient déposé une plainte ou une main courante avant les faits. Deux victimes d’une tentative de féminicide sur six avaient par ailleurs déposé plainte. « Aucune femme n’avait bénéficié d’une ordonnance de protection. Une seule avait le téléphone grave danger », détaillent les auteurs de l’étude.
Menaces de mort, violences économiques et administratives, violences sexuelles… Si plusieurs formes de violences préalables au meurtre ont été recensées, les violences psychologiques systématiquement présentes ont été peu remontées.
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Une majorité d’enfants témoins
Si 41 enfants sont concernés au sein des foyers observés, deux tiers d’entre eux vivaient au domicile au moment des faits. Une grande majorité ont assisté au meurtre et cinq ont été tués en même temps que leur mère ou leur tante. « 29 enfants ont ainsi pu bénéficier immédiatement après les faits de soins en psychotraumatologie et de la présence constante du personnel hospitalier et des accompagnantes d’une association », détaille l’enquête.
Après évaluation du service spécialisée de l’ASE, lorsque la mère est décédée, 14 enfants sur 24 ont été confiés à des membres de la famille maternelle. Lorsque la mère survit, les enfants retournent en majorité chez elle après sa sortie de l’hôpital. A la suite des féminicides recensés, aucun retrait parental n’a été prononcé.
De timides avancées
Depuis les conclusions de l’étude précédente (2009), quatre types de progrès ont été analysés :
- Aucun fait n’a été commis lors des droits de visites, entre 2018 et 2023, grâce à la mise en place de la mesure d’accompagnement protégé,
- le protocole Féminicides favorise le lien des enfants avec de nouvelles figures d’attachement et soutient les institutions qui les prennent en charge. Depuis 2015, 48 enfants ont bénéficié du dispositif,
- « Dans l’étude de 2009, une femme en danger avait appelé la police qui ne s’était pas déplacée. La victime a été tuée », rapporte le document. Une situation qui ne s’est pas reproduite grâce à l’utilisation du téléphone grave danger,
- les victimes sont aujourd’hui avisées de la sortie de prison de leur agresseur.
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Décloisonner et partager les informations
Enfin, cinq recommandations sont formulées par les auteurs du rapport :
- Généralisation du questionnement systématique des professionnels, afin de permettre une libération de la parole des victimes,
- Déployer davantage les mesures de protection (ordonnance de protection, téléphone grave danger) aux femmes victimes de violences,
- Décloisonner les services et le partage de l’information entre les différents partenaires,
- Garantir la mise en œuvre de la loi du 18 mars 2024 qui permet le retrait de l’autorité parentale par la juridiction pénale,
- Aucune violence ne doit être banalisée : insultes, gifles, menaces de mort, chaque type de violence doit être questionné.
>> Découvrir l’intégralité de l’étude « Féminicides, pas une de plus »