Elles veulent, par un « acte symbolique », inviter les acteurs à penser ensemble les différents volets des politiques liées aux addictions : sécuritaires certes, mais aussi sanitaires et sociales. Les associations Addictions France, Oppelia, Safe, Gaïa Paris et la Fédération Addiction ont déposé ce jeudi un référé-liberté contre le dernier texte d’une longue série visant les consommateurs de crack.
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Depuis le 19 avril 2023, le préfet de police de Paris, Laurent Nunez, reconduit, chaque mois, un arrêté portant interdiction des « regroupements de consommateurs de cocaïne base », sur certains secteurs du nord-est parisien. Seule nuance entre les différents textes : l’élargissement au fil du temps du périmètre, passé en moins d’un an d’une cinquantaine à une centaine d’artères.
Tentative d’invisibilisation
A l’approche des JO de Paris, les associations voient dans ces arrêtés « une tentative d’invisibilisation de la misère et de la consommation de stupéfiants ». Elles dénoncent une atteinte grave au droit fondamental à la protection de la santé. « La réponse uniquement policière organisée par le préfet de police fait l’impasse de tout volet sanitaire et met en échec les actions de réduction des risques des acteurs de terrain. »
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« Il ne s’agit pas de dire qu’on n’a pas besoin d’intervention policière. Mais elle doit converger avec d’autres dispositifs. Et non pas mettre la poussière sous le tapis en chassant les populations », défend Jean-Pierre Couteron, président d’Oppelia. « Ce sont des problématiques complexes que l'on ne peut résoudre qu’avec une diversité de pratiques. Non d’une solution simpliste dont on sait qu’elle n’aura que des effets pervers », poursuit Bernard Basset, président d’Addictions France.
Les associations ont découvert ces arrêtés, de manière fortuite, en janvier, comprenant à posteriori les freins rencontrés sur le terrain. « Plusieurs d’entre nous disposent d’unités mobiles avec des places de stationnement dédiées qui se situent précisément dans les zones d’interdiction. Les usagers ne pouvaient donc venir jusqu’au dispositif », explique Abdou N'diaye, directeur d’Oppelia Charonne.
Sept décès en moins d'un an
Certaines unités ont même reçu des amendes pour un stationnement considéré comme « susceptible de créer un attroupement ». « Dans un contexte où sept personnes sont décédées depuis avril 2023, ce n’est pas rien d’empêcher cet accès sanitaire à des personnes concernées par des facteurs de vulnérabilité très forts », souligne la directrice générale d’Oppelia, Naïra Meliava, qui dénonce par ailleurs les « représentations autour des usagers de drogue » et leur « stigmatisation ».
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Les cinq associations demandent non seulement l’annulation du présent arrêté – qui court jusqu’au 19 mars –, mais aussi l’interdiction de futurs arrêtés. Elles enjoignent au préfet de prendre une nouvelle décision qui permette « d’articuler le respect de l’ordre public, au respect du droit fondamental à la protection de la santé et du droit à la vie ».
Et c'est tout l'enjeu de ce recours : favoriser un renouveau du dialogue. Alors que le premier « plan crack », mis en place en 2019, permettait une concertation entre les acteurs, le travail partenarial marque le pas. « Depuis 2022 et le déplacement de la scène de la porte de la Chapelle au jardin d’Eole, les institutions – Ville de Paris, préfecture de police, et de région – ne parviennent plus à s’entendre, souligne le directeur d’Oppelia Charonne. Et on constate une vraie difficulté à se mettre autour de la table pour réfléchir. »