Quand Manoel arrive devant la tonnelle orange du Refugee Info Bus, le jeune Libérien de 16 ans a l’air un peu perdu. Ce mercredi 15 décembre à Calais, sous une pluie fine et froide, le garçon débarqué il y a cinq jours à peine de Menton, à la frontière italienne, cherche à savoir comment survivre ici. Il a bien suivi quelques nouveaux amis, tout à l’heure, à la distribution alimentaire. Mais son téléphone est déchargé et sa puce, achetée en Italie, ne fonctionne pas en France. Durant cinq jours, il a laissé inquiets sa famille et ses amis restés au pays. Alors, quand il voit, disposées sur les tables de camping, trois immenses pieuvres de multiprises, il s’empresse d’y brancher son téléphone.
Le Refugee Info Bus est venu s’installer quelques minutes plus tôt, malgré la complexité d’accès au campement de Coquelles. Depuis que les autorités y ont enterré de gros rochers de plusieurs tonnes pour empêcher les associations de venir distribuer de l’eau ou de la nourriture, il se gare quelques centaines de mètres plus loin avant d’y décharger générateurs, tonnelles, caisses de multiprises et thermos de thé chaud. Aya, Rachel et Véronique installent le tout en quelques minutes dans une chorégraphie bien rodée. Après avoir démarré les générateurs qui crachotent comme de vieilles tondeuses, elles branchent une enceinte qui diffuse de la musique.
A la WareHouse, le hangar des associations géré par l’Auberge des migrants, les bénévoles du Refugee Info Bus œuvraient à une autre forme d’accès à l’information et imprimaient le matin même des « New Arrival Guides », des flyers recto-verso actualisés chaque mois avec les principales informations. Où trouver à manger ? Où ont lieu les distributions ? Où et quand peut-on avoir accès à une douche ou à un accueil de jour ? Inscrits, les numéros des différents acteurs de terrain. « A Calais, on imprime le guide des nouvelles arrivées en anglais, arabe, français, pachto, dari, tigrinya, oromo, amharique et allemand », précise Alvaro, 27 ans et bénévole au Refugee Info Bus. « Pour Grande-Synthe, c’est un peu différent. Nous traduisons aussi en sorani kurde, en urdu, et depuis quelque temps en vietnamien. » L’intérêt : rendre accessible à tous et à toutes ces informations capitales.
Des charges quasi quotidiennes
Manoel ne connaissait pas le Refugee Info Bus. C’est la première fois qu’il croise les bénévoles de l'association depuis son arrivée à Calais. Alors, il se place dans la file, curieux, quand Aya dresse une seconde table sur laquelle sont disposés des masques neufs, des flyers, des cartes SIM et des recharges de forfait encore emballées. Autant de dons que l’association distribue au jour le jour. Manoel prend un masque, une carte SIM et une recharge avant de s’éloigner de quelques mètres. Il allume son téléphone et se connecte vite au wifi avant d’ouvrir Facebook. Quelques instants après, il rit en regardant les stories de ses amis. Si l’association fait don de câbles une fois par semaine, elle n’est pas encore en mesure de mettre à disposition des téléphones, même de seconde main. Alvaro explique : « Nous n’en avons juste vraiment pas assez. On ne peut pas commencer à en donner en favorisant telle ou telle personne. Alors, dans les situations d’urgence, on passe par d’autres associations comme Utopia, quand, par exemple, un réfugié est à l’hôpital et qu’il a besoin de communiquer avec l’extérieur. »
Alors qu’une vingtaine de personnes sont assises sur les petits bancs en attendant que leurs téléphones se chargent, Véronique, une bénévole calaisienne, rit un peu plus loin, près de l’enceinte avec deux jeunes d’une vingtaine d’années. Bénévole depuis quinze ans, elle a rejoint il y a quelques mois le Refugee Info Bus. « Cela me change des distributions de nourriture ! Les besoins primaires sont clairement essentiels mais les échanges aussi. Nous restons ici pendant plus de deux heures, ce qui offre la possibilité de discuter avec les gens, de parler d’autre chose que de la situation aussi », confie la bénévole.
Le lendemain, sous les tonnelles, seules trois personnes sont présentes et chargent leurs téléphones en jouant aux cartes avec Charlotte, une autre bénévole du Refugee Info Bus. Si l’association vient presque tous les jours sur les campements, les besoins sont moins nombreux lorsque l’accueil de jour du Secours catholique est ouvert, au centre-ville de Calais. Ce jour-là, les personnes marchent alors plusieurs kilomètres pour y trouver un peu de chaleur, de l’électricité et la permanence de la Cabane juridique.