Désormais, le maintien d’un demandeur d’asile dénué des conditions matérielles d’accueil dans un hébergement constitue un manquement au règlement de cet hébergement. C’est l’avis du Conseil d’Etat, rendu public dans une décision rendue le 22 mars 2022 (n° 450047).
Retour sur le cas examiné par les Sages : installé dans un centre d’hébergement d’urgence pour demandeurs d’asile (Huda), un « dubliné » (1) ne se rend pas à la convocation des autorités françaises en vue de son transfert vers un autre Etat membre, lequel est finalement responsable du traitement de sa demande d’asile. Pour cette raison, en octobre 2020, l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) lui suspend le bénéfice des conditions matérielles d’accueil.
OQTF, cf. L. 744-5 du Ceseda = expulsion
A la suite de cette décision, le préfet informe le demandeur d’asile de son obligation de quitter le lieu d’hébergement. L’intéressé ne s’exécute pas, motivant le préfet à saisir le juge des référés du tribunal administratif pour l’expulser. Le préfet use ainsi de la procédure prévue par l’article L. 744-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda), qui lui permet de demander une expulsion en cas de manquement grave au règlement intérieur d’un hébergement.
Dans son ordonnance, le juge rejette la demande du préfet. Il estime, en effet, qu’il lui était impossible de le saisir d’une demande d’expulsion : le refus de se soustraire à une procédure de transfert et le maintien dans le lieu d’hébergement, même en cas de suspension des conditions matérielles d’accueil, « ne pouvait pas être regardé comme constitutif d’un manquement au règlement ».
Désaveu
Saisi, le Conseil d’Etat juge l’exact contraire dans sa décision sur l’affaire rendue le 22 mars 2022 (n° 450047). Certes, l’article L. 744-5 du Ceseda n’évoque pas ce cas précis. Mais la haute juridiction administrative estime tout de même que « le fait pour un demandeur d’asile de se maintenir dans un lieu d’hébergement pour demandeurs d’asile alors qu’il ne bénéficie plus des conditions matérielles d’accueil et qu’en conséquence, il a été mis fin à son hébergement doit être regardé comme caractérisant un tel manquement grave au règlement du lieu d’hébergement ». Un raisonnement rendu possible par une interprétation assez large : le Conseil d’Etat s’est ainsi fondé sur « l’économie générale » et les « termes » des dispositions du Ceseda.
(1) Se dit d’un demandeur d’asile qui fait l’objet d’une procédure selon le règlement 604/2013/UE du 26 juin 2013 dit « Dublin ».