La décision était très attendue par les acteurs de la protection de l’enfance. Le 30 mai, le Conseil d’Etat a annulé la condamnation du Conseil de l’Ordre des Médecins contre le Dr Eugénie Izard à 3 mois de suspension d’exercice.
La pédopsychiatre toulousaine, également présidente du Réseau des professionnels pour la protection de l’enfance et l’adolescence (REPPEA), avait signalé au juge des enfants en mars 2015 - et non seulement au procureur de la République - les maltraitances présumées d’un père sur l’une de ses jeunes patientes, alors âgée de 8 ans. Médecin lui-même, l’homme poursuit alors Eugénie Izard devant le Conseil de l’Ordre, qui la sanctionne au terme de plusieurs années de procédure en décembre 2020, pour violation du secret professionnel et « immixtion dans les affaires de famille ».
Seuls 5% des signalements émanent de médecins
Le Dr Izard avait alors médiatisé cette affaire, qui met en lumière les risques juridiques majeurs encourus par des médecins dénonçant des faits de maltraitance, en diffusant sur les réseaux sociaux une vidéo devenue virale en février 2021. Risquant d’être poursuivis par un parent mis en cause, les professionnels peuvent l’être aussi par leur Conseil de l’Ordre. Ce qui explique, en partie, que seuls 5% des signalements pour violences sexuelles sur mineurs émanent de médecins.
Protéger les "médecins protecteurs"
« La seule circonstance que ce signalement ait été adressé au juge des enfants ne saurait, à elle seule, alors que le juge des enfants était déjà saisi de la situation de cet enfant, caractériser un manquement » au code de la santé publique, indique la décision du Conseil d’Etat. Une « excellente nouvelle » pour le juge Edouard Durand, président de la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIVIISE), qui a évoqué sur les réseaux sociaux la nécessité de changer cet état de fait : « Nous appelons à protéger les médecins protecteurs des poursuites disciplinaires ».
Soulagée par la décision du Conseil d’Etat, le Dr Eugénie Izard a ré-affirmé le besoin des médecins de « signaler [les] suspicions de maltraitance au juge chargé de la protection des enfants », mais précisé qu’elle risquait toujours une condamnation « pour immixtion dans les affaires de famille, étant accusée d’avoir soutenu la mère pour faire reconnaître des maltraitances. »