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Prostitution des mineurs : les professionnels en demande de formation

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La prostitution des mineurs en France concerne 6 000 à 8000 personnes, dont une majorité de filles

Crédit photo DR
Le 16 septembre dernier, le département de Loire-Atlantique organisait une première journée de sensibilisation à la prostitution des mineurs à destination des professionnels. Nombreux, ces derniers ont notamment pu assister à la présentation d’une plateforme d’écoute pour lutter contre ce phénomène de mieux en mieux pris en compte.

Rares sont les données sur ce sujet. Or la prostitution concernerait entre 6 000 et 10 000 mineurs en France, en grande majorité des filles de 13 à 16 ans. « C’est un chiffre absolument colossal. Malgré cela, on a l’impression encore de tâtonner », regrette Renaud Gaudeul, procureur du tribunal judiciaire de Nantes, lors d’une journée de sensibilisation interprofessionnelle organisée à Nantes le 16 septembre dernier.

Davantage prise en compte, notamment depuis le lancement du premier plan national de lutte contre la prostitution des mineurs en novembre 2021, le phénomène est resté longtemps loin des radars. En cause : la difficulté pour les professionnels de repérer et donc d’accompagner. « Il ne s’agit pas d’un schéma prostitutionnel unique, mais d’une pluralité de situations, de vecteurs de mise en contact avec les clients et les proxénètes, de lieux de prostitution très différents (hôtels, rue, Airbnb, foyers, établissements scolaires). Tous ces éléments mettent à mal les professionnels qui ne sont pas formés », constate Hélène Pohu, sociologue au centre de victimologie pour mineurs et co-auteure d’une recherche-action sur cette problématique. Une situation d'autant plus complexe que la prostitution des mineurs est rarement nommée comme telle : on parle « d’escorting », de « michetonnage ». Des termes plus « soft » qui euphémisent la réalité et ses conséquences.

Un mineur prostitué sur deux dépend de l'ASE

Les signaux d’alerte sont nombreux : fugues répétées, changements de fréquentation, échanges avec des inconnus sur les réseaux sociaux, variation du vocabulaire sur la sexualité, traces de scarifications, prise ou perte de poids associée à un changement brutal de comportement, possession de plusieurs téléphones portables, de « cadeaux inexpliqués » ou de sommes d’argent liquide importantes…. « On a compris que la prostitution des mineurs était la finalité d’un parcours marqué par la violence et le dysfonctionnement familial. Un sur deux a été victime de violences sexuelles. De même, si la prostitution concerne tous les milieux sociaux, un mineur sur deux vit dans un foyer de la protection de l’enfance », détaille Hazel Seite, auteure d’un état des lieux réalisé en 2022 pour l’Observatoire des violences faites aux femmes de Loire-Atlantique.

Une prise en charge délicate et compliquée

Oser systématiquement aborder le sujet mais aussi croire les mineurs lorsqu’ils révèlent des violences sexuelles, telle est la démarche à encourager chez les professionnels de l’enfance. Objectif : amorcer la discussion avec le jeunes en partageant ses inquiétudes et laisser la porte ouverte à de futurs échanges. « Les mineurs victimes ne conçoivent pas ce qu’ils vivent comme une violence ou comme quelque chose de dégradant, mais comme un outil leur permettant d’être valorisés. D’emblée, ils y voient un avantage financier, cela peut aussi répondre à un besoin d’attention, d’appartenance à un groupe. C’est donc compliqué et délicat de leur proposer de l’aide dans ce contexte », constate Marie Robert, psychologue à l’UAPED, un lieu de soins au sein du CHU de Nantes qui offre un accompagnement global pour les enfants maltraités.

Favoriser la co-intervention entre professionnels

La sortie de la prostitution est un processus délicat et long. « Ce sont des situations sur lesquelles il n’y a pas de résultat immédiat, qui nous plongent dans un sentiment d’impuissance. C’est important de l’avoir en tête et de pouvoir compter sur d’autres professionnels en favorisant l’interconnaissance et la co-intervention sur ces situations », appelle de ses vœux la directrice adjointe enfance-familles au département. Lequel soutient, depuis janvier 2022, un dispositif pluridisciplinaire de prise en charge des mineurs ayant recours à la prostitution ou en risque d'y accéder, piloté par l’ATDEC (Association territoriale pour le développement de l’emploi et des compétences de Nantes Métropole) et auquel participe un consortium de neuf associations (Planning familial, SOS inceste et France Victimes 44, etc.).

Neuf mois après sa création, la plateforme, joignable via un numéro d’écoute, est sollicitée entre 10 et 30 fois par semaine, mais reçoit aussi beaucoup d’appels de professionnels en souffrance. « On ne s’y attendait pas forcément, avoue Léa Messina, à l’origine de ce dispositif qui prend actuellement en charge 31 situations. C’est le signe qu’au-delà d’accompagner les mineurs et les familles, il faut aussi soutenir les professionnels. » Ailleurs, d’autres solutions existent pour outiller les acteurs de terrain, telles que celles proposées par l’association CVM (Centre de victimologie pour mineurs), qui met à disposition des contenus pédagogiques en ligne.

Encouragement à signaler plus et mieux

Dès lors qu’une situation inquiète, le signalement auprès de la Crip (cellule de recueil des informations préoccupantes) doit être systématique. En cas de danger grave, l’autorité judiciaire est saisie. En théorie. La réalité est bien différente. Selon le procureur du tribunal judiciaire de Nantes, il existe « un distinguo entre le nombre de cas identifiés et le nombre de signalements faits aux forces de l’ordre ou au parquet. Il faut signaler plus et mieux, martèle-t-il aux nombreux participants à cette journée de sensibilisation. C’est vous qui êtes au quotidien avec eux. C’est vous qui pouvez nous donner des éléments précis pour que nous puissions poursuivre les proxénètes qui sont, dans un cas sur deux, derrière une prostitution de mineur. Car ce n’est pas le mineur qui viendra frapper à notre porte. »

Protection de l'enfance

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