Bien sûr, en matière d’attractivité, le nerf de la guerre demeure la rémunération. A cet égard, l’annonce du ministre des Solidarités, Jean-Christophe Combe, de revaloriser les salaires du secteur associatif est un premier pas. Mais il ne suffira pas à endiguer le mal. Aujourd’hui, plus de 50 000 postes ne sont pas pourvus dans les établissements et services des secteurs social, médico-social et sanitaire privé non lucratif, et ils seront 150 000 en 2025 si la tendance se poursuit… Comment donner envie de s’engager ? C’est la question posée jeudi 15 septembre par l’un des ateliers de La Mêlée, le rendez-vous de Nexem, principal représentant des employeurs associatifs.
La première des réponses consiste à regarder en face les évolutions du marché du travail. « Le CDI ne fait plus rêver », résume Françoise Beziat, présidente de la Fondation Jacques-Chirac, qui compte une trentaine d’établissements dans le secteur du handicap. A la sécurité de l’emploi, les nouvelles générations, en particulier, privilégient une forme de mobilité : des contrats courts, choisis, avec différents types de missions à la clé. « On ne peut plus dire : “Viens travailler, ce métier est génial. Et puisque c’est une vocation, tu vas sacrifier ce qu’il y a autour.” Il faut s’adapter », enjoint Florent Malbranche, fondateur de Brigad.
Auto-entreprenariat, une idée ?
Créée à l’origine dans le secteur de la restauration, son « appli » met en relation employeurs et professionnels. Elle a depuis élargi son périmètre d’intervention à la santé et au médico-social. Infirmiers, aides soignants, accompagnants éducatifs et sociaux y sont recrutés. Et, depuis très récemment, des éducateurs spécialisés et moniteurs-éducateurs. Tous travaillent sous le statut de l’auto-entreprise. Une idée loin de faire l’unanimité, dans un secteur où l’accompagnement nécessite du temps et une fine connaissance des publics, mais qui a déjà séduit de nombreuses structures rompues à la nécessité d’embaucher des intérimaires.
« Il ne s’agit pas de faire tourner un établissement avec des auto-entrepreneurs. Il s’agit de prendre en compte les envies des nouvelles générations et ainsi de répondre aux besoins de personnels. Ce ne sont pas des mercenaires. En moyenne, ils travaillent avec 2,5 structures par mois », défend Florent Malbranche. Et, à l’en croire, l’impact sur la capacité à attirer et à conserver les talents est réel : « Les professionnels gagnent mieux leur vie que s’ils étaient salariés, ils sont attendus lorsqu’ils arrivent sur une mission, et ils ont la liberté de choisir leurs missions. »
Parler des ambitions
Donner envie, c’est aussi, communiquer. En redéfinissant son projet associatif il y a deux ans, la Croix-Rouge française a clarifié sa raison d’être : « Protéger et relever les personnes en situation de vulnérabilité. Un credo valable pour l’ensemble de nos actions et que l’on retrouve dans l’intégralité de nos communications, explique Laurent Amiand, directeur de la communication et des affaires publiques. Il faut un cadre commun pour ensuite s’adresser aux différentes personnes qui composent le mouvement, salariés comme bénévoles, et déployer une stratégie et des outils adaptés à chacun. » La Croix-Rouge a notamment développé une stratégie sur les réseaux sociaux pour se faire reconnaître comme un employeur. Elle y met en avant ses singularités, sans pour autant occulter la réalité des difficultés. Elle a enregistré des podcasts pour valoriser les métiers, et développé des tiers lieux pour s’ouvrir à la société. « Nos structures doivent s’adapter en permanence et le faire savoir », souligne Laurent Amiand.
Faire savoir et se distinguer : « Il faut faire rêver, insiste Françoise Beziat. Pour déclencher l’envie, il faut mieux définir les objectifs de l’engagement qu’on propose. Et surtout parler des ambitions. Or nos métiers en ont : remettre un autiste sur le chemin de la communication, un travailleur d’Esat dans des conditions proches de la vie ordinaire, amener les personnes vers plus d’autonomie… On doit parler des résultats que peuvent donner nos métiers. C’est ce qui donnera envie de venir travailler. »
Attirer les professionnels est un défi, mais les conserver l’est tout autant. Et, là encore, les évolutions du marché du travail intiment de moderniser son management. « Il faut favoriser l’interactivité avec les salariés, conclut Françoise Beziat, les faire participer à la construction des projets et donner plus de places aux cadres intermédiaires. »