Le mois de septembre est déjà bien avancé et pourtant le flou règne encore sur ce que sera le budget de l’Etat pour 2025. Et alors que les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année prochaine sont attendus d’ici le 1er octobre – même si le nouveau Premier ministre semble s’être accordé un sursis jusqu’au 9 du mois –, le monde sanitaire, social et médico-social commence à sérieusement s’inquiéter. « A quinze jours de la présentation du futur budget au Parlement, nous ne savons toujours rien de ses grandes orientations. C’est la première fois que les arbitrages d’un PLF et d’un PLFSS auront été aussi peu discutés en amont », lance Daniel Goldberg, président de l’Uniopss le 18 septembre, à l’occasion de la conférence de presse de rentrée de l’organisation.
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Un attentisme qui s’éternise
Entamée avec la séquence des élections européennes, en juin dernier, la période d’attentisme de l’exécutif commence à s’éterniser. Et pendant ce temps, les dossiers en souffrance s’accumulent. Les préconisations du Livre blanc du travail social, pourtant remis en novembre 2023, sont toujours au point mort. A l'instar de la préparation d’une future loi de programmation pluriannuelle sur le grand âge, prévue initialement comme suite annoncée de la loi « bien vieillir » du 8 avril 2024.
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De la crise majeure que traverse la protection de l’enfance – contre laquelle le collectif des 400 000 dont fait partie l’Uniopss appelle à manifester le 25 septembre prochain – qui s’aggrave. Et plus récemment, de l’appel de Départements de France aux collectivités départementales qui refusent de financer les augmentations de salaires de la Bass tant que l’Etat n’aura pas débloqué les budgets nécessaires à leur prise en charge. Ce qui n'est pas sans mettre en danger la trésorerie de nombreux employeurs associatifs en plus de constituer l’amorce de nombreux contentieux prud’homaux à venir…
« Investir massivement est un choix durable »
Et ce climat, déjà pesant, pourrait encore s’alourdir si le secteur sanitaire, social et médico-social, déjà insuffisamment financé aux yeux de ses acteurs, devait faire les frais des coups de rabot d’un futur budget d’ores et déjà placé sous la surveillance des instances européennes. « Une austérité dans le champ des solidarités et de la santé serait un non-sens économique et social », avertit Daniel Golberg. « Au contraire, investir massivement pour répondre à l’accompagnement des vulnérabilités de tous les âges de la vie est un choix durable, un champ d’emplois non délocalisables, une réponse aux angoisses de nombreuses familles qui pourraient alors consacrer leur énergie à la réussite du pays, et une baisse des coûts globaux in fine. »
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Une feuille de route de rentrée bien chargée
Sur le papier, les chantiers sont nombreux. Et la feuille de route de l’Uniopss pour cette rentrée 2024-2025 prend presque des allures d’inventaire à la Prévert : création d’un observatoire du financement de la solidarité, grande loi d’orientation sur la « santé environnementale », mise en place d’une prestation universelle d’autonomie couvrant les problématiques de l’âge, de la santé et du handicap, augmentation du financement des Ehpad, déploiement des services publics départementaux de l’autonomie (SPDA), création d’un fonds d’aide pour les Esat afin de leur permettre d’assurer les nouvelles missions dont les dote la loi « plein emploi » (notamment pour la généralisation d’une complémentaire santé à l’ensemble de leurs salariés), renforcement du service public de la petite enfance grâce à la mise en place d’une compensation financière suffisante pour que les communes et intercommunalités puissent satisfaire à leurs nouvelles compétences en matière d’accueil du jeune enfant, sacralisation de la loi SRU et abandon des dispositions du projet de loi « logements abordables », soutien financier des départements et employeurs associatifs pour assurer les augmentations salariales au titre du « Ségur pour tous », développement de l’attractivité des métiers des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux en s’appuyant sur les recommandations du Livre blanc du travail social…. Bref, il y a du pain sur la planche !
Donner corps au comité des métiers socio-éducatifs
Mais d’une façon plus générale, c’est à la création d’un véritable « front des solidarités », destiné à accompagner la lutte contre les vulnérabilités pour les prochaines années, qu’appelle l’Uniopss. Qui débuterait par l’établissement d’un état des lieux partagé sur les besoins des territoires impliquant à la fois l’Etat, les collectivités territoriales et le monde associatif et se poursuivrait par la tenue d’un grand débat national sur les solidarités « pour sortir des jeux d’acteurs délétères et des renvois de responsabilité entre l’Etat, les départements et les régions qui ne font rien avancer ».
Et pour permettre à chaque partie prenante d’y trouver sa place, l’Union enjoint l’Etat de donner enfin corps au comité des métiers socio-éducatifs qu’avait promis Jean Castex en 2022. Cette instance pourrait constituer le lieu de gouvernance et de régulation « où les autorités publiques, et notamment l’Etat et les départements, donnent les grandes lignes de la trajectoire des finances publiques » sur les politiques du secteur et leur financement.
Un financement qui pourrait en partie être assuré par la 5e branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie, dont le coup d’envoi a effectivement été donné en 2021, mais dont le périmètre d’action demeure, selon l’Uniopss, encore aujourd’hui trop limité. Du fait, entre autres, de l’absence d’un véritable rôle exécutif au sein de la gouvernance de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et du rôle encore insuffisamment clarifié des collectivités départementales qui la composent...