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"Si le nouveau budget reprend la trajectoire de l'ancien, cela mettra à mal nombre d’acteurs de l’ESS" (David Cluzeau)

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Jusqu'à présent délégué général d'Hexopée (fédération patronale de l'éducation populaire) et du Synofdes (syndicat des organismes de formation non lucratifs), David Cluzeau, 55 ans, a succédé à Hugues Vidor à la tête de l'Udes le 17 janvier dernier. 

Crédit photo DR
[ENTRETIEN] Elu président de l’Udes le 17 janvier, David Cluzeau s’est fixé pour objectif de faire entendre la voix de l’économie sociale et solidaire (ESS) dans le paysage économique français et celle de son organisation dans le concert patronal. Limiter la casse pour l’ESS dans le budget 2025 pourrait constituer son baptême du feu.

Pour élaborer ses projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale (PLF et PLFSS) pour 2025 alors que le temps lui est compté, le gouvernement Bayrou a choisi de repartir de la copie laissée par Michel Barnier qui amputait largement les crédits de l’économie sociale et solidaire (ESS) et ceux des collectivités territoriales pour l’année en cours. S’il était adopté en l’état, un tel budget se révélerait « catastrophique » pour la plupart des entreprises de l’ESS, mais aussi pour les usagers qui recourent à leurs services, prévient le nouveau président de l’Udes (Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire).

ASH : Vous venez d’être élu président de l’Udes alors que le gouvernement prévoit de sérieux coups de rabots sur ses dépenses sociales en 2025. Etant donné l’importance des dotations publiques pour certains secteurs de l’ESS – le sanitaire, social et médico-social, notamment – cela vous inquiète-t-il ?

David Cluzeau : Il y a quatre mois, Michel Barnier a présenté un premier projet de budget qui faisait courir le risque d’une destruction de 186 000 emplois dans le périmètre de l’économie sociale et solidaire. Evidemment, à l’époque, l’ensemble des acteurs du secteur s’étaient alors élevés contre cette trajectoire budgétaire dangereuse. Aujourd’hui, le gouvernement Bayrou a décidé de repartir de la copie laissée par son prédécesseur pour établir ses PLF et PLFSS pour 2025. Le risque est donc toujours bien présent. Si les coupes budgétaires se confirment, cela affectera l’ESS à deux niveaux : d’abord, par une baisse des dotations de l’Etat qui risquent de toucher les secteurs qui en dépendent directement, tels l’insertion par l’activité économique (IAE), le sport ou la culture, mais aussi par une réduction des dotations aux collectivités territoriales, notamment départementales, principales financeuses de l’action sociale sur les territoires ou aussi soutiens des missions locales par exemple.

>>> A lire : Budget 2025 : l'ESS risque de perdre 186 000 emplois

Le précédent gouvernement avait prévu dans son projet de budget initial de couper 5 milliards dans les dotations aux départements avant de revoir sa copie et de réviser la baisse à 2,2 milliards, ce qui aurait déjà été suffisant pour entraîner des conséquences catastrophiques pour l’éducation populaire, l’aide à domicile ou les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux à but non lucratif. Si le nouveau budget reprend cette trajectoire, cela risque de mettre à mal un nombre conséquent d’acteurs de l’ESS qui, pourtant, répondent à des missions d’intérêt général, qu’il s’agisse d’accompagner des personnes en situation de grande précarité ou de perte d’autonomie, de former des demandeurs d’emploi dans nos organismes de formation ou d’assurer correctement l’accueil des jeunes enfants.

Avez-vous déjà sollicité une rencontre avec Véronique Louwagie, la nouvelle ministre déléguée chargée – entre autres – de l’ESS pour évoquer cette problématique ?

Oui. L’Udes a sollicité un rendez-vous, fixé au mois de février. Nous nous réjouissons que le nouveau gouvernement ait maintenu un ministère de plein exercice dédié à l’ESS rattaché à Bercy, ce qui montre l’importance de notre secteur dans l’écosystème économique français. Nous espérons qu’elle pourra contribuer à faire reconnaître notre rôle en matière de cohésion sociale, mais aussi de création d’emplois, lors de l’élaboration de ce budget 2025.

Votre profession de foi de candidat indiquait que vous comptiez agir en faveur d’une meilleure représentation de l’Udes dans le champ de l’ESS, notamment par rapport à ESS France. Quel sera votre feuille de route ?

Ce que je veux avant tout, c’est contribuer à une meilleure représentation nationale de l’ESS au travers de ses deux têtes de ponts que sont l’Udes et ESS France. Le dialogue entre nos deux organisations a parfois été compliqué, mais aujourd’hui, la relation est bonne. On rédige nos plaidoyers ensemble, on porte les combats de l’ESS ensemble et nos enjeux sont généralement convergents, même si la forme est différente. Le temps est venu d’aller encore plus loin ensemble. Mais au-delà d’ESS France, l’Udes doit davantage parler aux acteurs de l’ESS dans toute leur diversité, qu’il s’agisse du Mouvement associatif, de la Mutualité française ou du Mouvement coopératif. La grande famille de l’ESS est encore à construire.

>>> A lire : Quel agenda pour David Cluzeau, nouveau président de l'Udes ?

Entre les lignes de votre programme, on pouvait tout de même lire certaines critiques adressées mezzo voce au Mouvement Impact France (MIF). Estimez-vous que cette organisation marche sur les plates-bandes de l’Udes ?

Non. Il n’existe pas de concurrence entre l’Udes et le MIF. Ils représentent une partie des employeurs de l’ESS étendue aux entreprises à mission du secteur de l’économie classique. La création de ce statut d’entreprise à mission (ou à impact) est d’ailleurs intéressant. Cela prouve qu’un certain nombre d’idées de l’économie sociale et solidaire infusent dans l’économie traditionnelle. L’entreprise à mission dit que son projet n’est pas uniquement de créer des dividendes, mais aussi d’avoir un impact positif sur l’environnement ou sur la société. Soyons clairs : les entreprises à mission ne relèvent pas de l’ESS (sauf lorsqu’elles le sont statutairement, des mutuelles et coopératives ont souhaité revêtir cette qualité), mais il existe des convergences à créer.

Vous souhaitez également travailler à une meilleure reconnaissance de l’Udes dans la sphère patronale. Le nouveau président de la CPME, Amir Reza-Tofighi, s’est dit prêt à examiner à nouveau le rapprochement entre vos deux organisations après l’échec de 2019. Quelles sont vos orientations là-dessus ?

J’ignorais ce dernier détail, mais j’ai récemment félicité Amir Reza-Tofighi pour son élection et l’ai invité à ce que nous nous rencontrions rapidement. C’est le premier président de la CPME issu du secteur des services à la personne et nous aurons peut-être des choses à construire ensemble. L’ESS représente 10 % de l’emploi salarié en France : elle a acquis sa légitimité dans le paysage patronal français, mais nous pouvons encore progresser pour la faire pleinement reconnaître. Bien sûr, nous discutons avec les organisations représentatives (Medef, CPME et U2P) et avons d’ailleurs instauré un dialogue avec eux, mais nous parlons aussi aux autres confédérations du secteur multiprofessionel, la FNSEA (agriculture) et la FESAC (culture et communication).

Il faut être clair sur ce que nous sommes : nous sommes les employeurs de l’économie sociale et solidaire et, à ce titre, nous avons d’importantes différences avec le secteur économique traditionnel. Nous portons des projets de société différents, un modèle de développement économique différent et une vision sociale différente. Parfois même radicalement différente. Mais cela ne nous empêche pas de discuter et de trouver notre place dans le dialogue social. Lorsqu’un précédent gouvernement a créé le Conseil national de l’emploi (CNE), il a tout naturellement offert une place à l’Udes, ce qui est un signe de reconnaissance. Tout comme nous sommes de plus en plus invités à siéger dans les instances paritaires. A titre consultatif, le plus souvent, c’est vrai, mais cela nous permet de multiplier les espaces de dialogue. D’ailleurs, Patrick Martin, président du Medef, était l’un des invités à l’une des tables-rondes de notre colloque-anniversaire des trente ans de l’Udes en octobre dernier, et il a relayé, il y a quelques mois, notre inquiétude quant aux 186 000 destructions d’emplois dans l’ESS qu’entraînerait le budget 2025 tel que l’avait envisagé le gouvernement Barnier.

 

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